Auréolé d’un succès monumental au Japon, le film de Makoto Shinkai raconte la fin de l’adolescence dans un Japon hanté par le tsunami de 2011. Une merveille d’animation, entre divertissement et gravité.
Véritable star de l’animation, Makoto Shinkai confirme son talent pour mêler divertissement et gravité avec Suzume, qui évoque le Japon des séismes et les cicatrices de la catastrophe de Fukushima. Le film vient tout juste de sortir dans les salles après un parcours triomphal au Japon, où il a engrangé plus de 103 millions de dollars de recettes et plus de 10 millions d’entrées après sa sortie en 2022. Seuls Top Gun : Maverick et le manga à succès One Piece ont fait mieux cette année-là dans l’archipel.
Le réalisateur est un habitué des records depuis Your Name (2016) et Les Enfants du temps (2019), qui a représenté le Japon aux Oscars. Suzume était également l’un des deux films d’animation en compétition à la Berlinale en février. Le film suit son héroïne du même nom, orpheline de 17 ans qui rencontre un homme étrange, chargé de fermer de mystérieuses portes, disséminées dans des lieux à l’abandon de l’archipel.
Des emprunts à Miyazaki
Elle-même va franchir l’une de ces portes, et apprendre qu’elles permettent d’empêcher à de redoutables vers gigantesques de sortir des entrailles de la terre pour semer le chaos en déclenchant des secousses sismiques. Suzume se retrouve embarquée dans un road trip en forme de course contre la montre à travers le Japon pour tenter d’empêcher les séismes avant qu’ils ne se produisent, entourée de créatures fantastiques dont une chaise qui parle et qui court, ainsi qu’un chaton aussi «kawaï» (mignon) que maléfique.
Suzume «est un film de divertissement qui parle de choses sérieuses, comme le tremblement de terre et le tsunami qui ont frappé le Japon il y a douze ans», a expliqué le réalisateur Makoto Shinkai, lors de la présentation du film à la Berlinale. À 50 ans, il emprunte au style philosophico-écologiste du maître japonais Hayao Miyazaki (Le Voyage de Chihiro, Mon voisin Totoro…) – auquel on le compare souvent – en y ajoutant une touche d’humour et de modernité (les réseaux sociaux et les téléphones portables y jouent un rôle important). Surtout, les catastrophes, d’origine humaine ou naturelle, sont véritablement au centre de son œuvre.
C’est un film de divertissement qui parle de choses sérieuses
«L’animation permet de toucher un public très large : des personnes âgées qui le regardent avec leurs petits-enfants. Et on peut leur montrer des sujets profonds», a-t-il dit. Ainsi, Les Enfants du temps lui avait été inspiré par les intempéries liées au dérèglement climatique, quand Suzume, tout comme Your Name auparavant, tisse une histoire d’amour adolescente autour d’une histoire inspirée du triple désastre du 11 mars 2011.
Ce jour, l’un des plus violents séismes jamais enregistrés dans le monde avait provoqué un tsunami meurtrier, entraînant la catastrophe nucléaire de Fukushima. Ces désastres à la chaîne ont fait près de 18 500 morts ou disparus. Suzume est l’occasion de faire voyager l’héroïne, élevée par sa tante depuis la mort de sa mère, dans un Japon toujours traumatisé et vivant dans l’attente du séisme suivant. «J’ai beaucoup mis l’accent sur les endroits abandonnés», résultant des catastrophes naturelles mais aussi du dépeuplement du pays, a dit Makoto Shinka.
Le film, au graphisme irréprochable, progresse depuis la vie paisible dans l’île septentrionale de Kyushu, vers le nord et la région du séisme de Fukushima, en traversant successivement le Kansaï et l’agglomération de Tokyo. Makoto Shinkai a d’abord pensé aux spectateurs japonais en faisant son nouveau film : «Nous n’avions pas l’œil sur le marché mondial pour ce film et pourtant je pense que cette approche peut nous permettre d’aborder des sujets qui sont vraiment universels.»
Suzume, de Makoto Shinkai. Actuellement sur les écrans.