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[Cinéma] Nocturama, les enfants du chaos


"Nocturama" suit une bande de jeunes qui pose des bombes dans Paris. (Photo DR)

Dans Nocturama, Bertrand Bonello s’attaque au sujet brûlant du terrorisme.

Avec Nocturama, histoire d’un groupe de jeunes qui pose des bombes dans Paris, le cinéaste Bertrand Bonello s’attaque au sujet délicat du terrorisme, dans un film troublant, né de son ressenti «de quelque chose d’étouffant» dans la société contemporaine. «L’idée du film est venue il y a cinq ou six ans. J’étais en train de travailler sur L’Apollonide, film qui se passe en 1900, et je me suis dit qu’après il fallait que je revienne au contemporain», dit le réalisateur de Saint Laurent.

«Or le ressenti que j’avais du contemporain, c’était quelque chose d’un peu étouffant et qui explose», a-t-il ajouté. «C’est vraiment un film qui vient d’une idée de l’époque.» Nocturama suit ainsi David (Finnegan Oldfield), Greg (Vincent Rottiers), Yacine (Hamza Meziani) et Sabrina (Manal Issa), une bande de jeunes issus de milieux différents qui entame des déplacements dans Paris.

Chacun de leur côté, ils enchaînent des préparatifs réglés et posent des bombes dans des lieux symboliques du pouvoir et de la société de consommation, du ministère de l’Intérieur au siège d’une banque. Ils vont ensuite se retrancher dans un grand magasin le temps d’une nuit, en attendant que la situation se calme. La première partie de ce film conçue «comme une partition musicale» est en mouvement et très minutée, avec des gestes mécaniques et répétés – téléphones portables jetés dans des poubelles, déplacements dans le métro. La seconde, après les explosions, est en revanche immobile, montrant une attente en groupe dans un lieu clos, avec «un côté presque western», dit-il.

«Très loin de ce qu’on a vécu»

Choisissant de montrer le terrorisme uniquement du point de vue de ses auteurs, «sans jamais lâcher les jeunes», Bertrand Bonello réalise un film dérangeant, «dont les gens risquent d’avoir envie de parler», reconnaît-il. Nocturama, au titre inspiré par celui d’un album de Nick Cave, est «radical» au sens où «il suit une ligne et il n’en déroge pas», souligne le cinéaste.

Le film, qui devait s’appeler initialement Paris est une fête, s’intéresse plus au mode opératoire, au «comment», qu’aux motivations jamais vraiment évoquées de ses personnages, d’origines sociales diverses, mais qui «pourraient avoir une rage commune». «On ne sait pas trop quelles sont leurs motivations, mais on peut très bien les deviner. Ils s’attaquent à des symboles du pouvoir, des multinationales. On peut très bien imaginer les conversations qui ont eu lieu avant le film, qui démarre le jour J, immédiatement dans l’action», estime le cinéaste de 47 ans.

Changeant radicalement de sujet après Saint Laurent, œuvre sur la vie du couturier français, Bertrand Bonello aborde avec Nocturama, imaginé bien avant les attentats de 2015 et 2016, un sujet qu’il reconnaît être délicat dans le contexte actuel. Mais les attaques de Nocturama, plus symboliques que meurtrières, sont «très loin de ce que l’on a vécu» récemment, de l’attaque contre Charlie Hebdo à celle contre l’église de Saint-Étienne du Rouvray.

Loin du terrorisme jihadiste, «j’étais plus sur un étouffement lié à la difficulté à vivre pour une jeunesse dans le monde d’aujourd’hui que sur un fanatisme religieux. Ce n’est pas du tout le sujet», dit encore le cinéaste. Pour lui, «le film a sa direction, sa propre logique». «Et surtout, je pense que j’ai pris soin de ne pas en sortir, de ne pas vouloir mélanger l’actualité et la fiction», souligne-t-il. Nocturama, qui n’a pas été sélectionné au festival de Cannes, mais sera présenté à San Sebastian et Toronto, «fait plus peur à ceux qui ne l’ont pas vu qu’à ceux qui l’ont vu», estime-t-il. «Quand ils le voient, les gens comprennent à quel endroit est le film.»

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