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[Cinéma] Napoléon : l’empereur, ses guerres et ses peines de cœur


Joaquin Phoenix arbore le bicorne de l’empereur pour l’ambitieux Napoléon de Ridley Scott. Un pari à 200 millions de dollars qui tente de mêler batailles homériques et vie sentimentale.

Sortie mondiale demain pour ce film à grand spectacle qui, sur plus de 2 h 30, retrace le destin de cette figure de l’histoire française et européenne, depuis la Révolution française jusqu’à son exil à Saint-Hélène. Et insiste sur l’amour éperdu pour Joséphine, sa première épouse, incarnée par Vanessa Kirby. Production anglo-saxonne oblige, c’est dans la langue de la «perfide Albion» que sont tournées les pages de l’histoire de France. Y compris lorsque Tahar Rahim interprète un personnage clé de la Révolution, puis du Directoire, Paul Barras.

Cinéaste de la démesure, féru d’histoire, Ridley Scott avoue être captivé par le destin d’un dirigeant ivre de conquêtes, qui a mis l’Europe à feu et à sang. «Clairement, l’homme a fasciné le monde, en tant que dirigeant, diplomate, guerrier, politique, et bien sûr comme dictateur. La dictature implique que du sang soit versé», a-t-il expliqué. Plus de 200 ans après sa mort, Bonaparte reste une figure clivante, certains louant son art de la guerre et d’autres dénonçant les millions de morts des campagnes militaires ou le qualifiant de fossoyeur de la Révolution. Le film refuse de trancher.

Quelques libertés avec l’Histoire

Avec Napoléon, Ridley Scott, dont certains films sont devenus des classiques mais qui n’a plus connu de succès marquant quelque temps, joue gros. À 85 ans, c’est l’une de ses dernières chances de s’inscrire dans les pas de légendes du cinéma : Abel Gance déjà, qui entrait dans l’histoire du 7e art en 1927 avec une fresque de sept heures sur l’empereur français, mais aussi Stanley Kubrick, qui rêvait de tourner un Napoléon grandiose. Projet démesuré qu’il n’a toutefois pas pu mener à son terme avant son décès en 1999, mais dont le scénario demeure.

Napoléon serait presque attachant s’il n’était pas responsable de la mort de millions de personnes

Celui que met en images Ridley Scott suit Napoléon jusqu’à Moscou en proie aux flammes. Et s’autorise quelques libertés avec l’Histoire, Bonaparte assistant par exemple à la décapitation de Marie-Antoinette ou faisant tirer sur les Pyramides. Pour ressusciter l’histoire, des débuts avec la prise de Toulon à Waterloo en passant par Austerlitz, le réalisateur a pu compter sur l’appui d’Apple qui, contrairement à Netflix, sort ses longs métrages en salles.

L’amour tumultueux pour Joséphine

Après avoir produit Martin Scorsese (Killers of the Flower Moon), Apple se paye ici un autre réalisateur qui compte. En outre, pour plus de réalisme, le film a été tourné en grande partie en décors naturels, au Royaume-Uni. L’argent se voit à l’écran, notamment avec une scène d’anthologie à Austerlitz, où Napoléon fait tirer au canon sur la cavalerie ennemie, noyée au fond d’un lac gelé.

Au parcours militaire de Napoléon, Ridley Scott veut ajouter une dimension sentimentale, en insistant sur la relation entre Bonaparte et Joséphine. Le rôle est tenu par Vanessa Kirby, révélée en princesse Margaret dans la série The Crown et qui apporte une touche de modernité au personnage et au film. «Leur psychologie, à chacun d’eux, était fascinante. Au final, c’est comme si je ne les avais jamais vraiment compris», a déclaré Vanessa Kirby. «Ils étaient inexorablement attirés l’un vers l’autre, mais cela ne m’a jamais semblé sain et calme. C’était une obsession».

Napoléon ? Un «petit tyran irritable»

Avec son rôle de Napoléon, Joaquin Phoenix confirme sa place à part à Hollywood, de Joker à Johnny Cash (Walk the Line). Mais à 49 ans, il reste un grand angoissé, qui répugne à se livrer. À l’écran, il incarne Napoléon dans un film hanté par la guerre et la brutalité, qui sort alors que les conflits font rage, deux siècles plus tard. Inutile de lui demander de dresser un parallèle entre la période napoléonienne et le monde contemporain : «Si j’étais au milieu d’un conflit, la dernière chose que j’aimerais entendre, c’est l’avis d’un acteur!», répond-il.

Trois ans après l’Oscar pour le Joker de Todd Haynes, Joaquin Phoenix a terminé de tourner le second volet des aventures du sociopathe aux cheveux verts, qui sort l’an prochain. Avec ce Napoléon, cet amateur de rôles ténébreux et complexes chez les réalisateurs les plus en vue, de Paul Thomas Anderson (The Master) à James Gray (Two Lovers, We Own the Night), pourrait briguer une deuxième statuette. C’est déjà avec Ridley Scott que tout a commencé. En 2000, le Britannique lui confie le rôle de l’empereur Commode dans Gladiator, qui lui vaut une nomination à l’Oscar du meilleur acteur dans un second rôle.

«Depuis, il a réalisé 21 films sur les héros de l’espace et les héros de l’époque médiévale! Puis il a eu une histoire sur un petit tyran irritable et il m’a appelé. Et j’ai dit : « Merci ! »», déroule l’acteur. «Je crois que Napoléon était froid et calculateur comme un grand stratège militaire. Ce qui m’a surpris, c’est son sens de l’humour et son côté immature», poursuit-il. «Ce que j’ai aimé, c’est que même les universitaires se disputent entre eux. Il est donc très difficile d’obtenir une réponse claire sur beaucoup de choses.»

«Certaines choses sont ridicules. Deux semaines avant le tournage, quelqu’un a dit : « Vous saviez que Napoléon était gaucher ? ». Il faut ensuite une semaine pour réfuter ça !». Au final, Joaquin Phoenix a eu l’impression de jouer le rôle d’un personnage «maladroit socialement». «Je le considère comme un romantique avec un cerveau de mathématicien. Il est comme un adolescent amoureux, plagiant presque de la poésie» dans ses lettres à Joséphine. «Il y aurait quelque chose de presque attachant s’il n’était pas responsable de la mort de millions de personnes.»

Les grandes épopées de Ridley Scott

Des aliens, des gladiateurs, des femmes en cavale et maintenant Napoléon : Ridley Scott, friand des héros et du grand spectacle, est devenu l’un des maîtres des épopées hollywoodiennes.

Alien (1979)

Le deuxième film de Ridley Scott stupéfie le public : mêlant horreur et science-fiction, il révolutionne le genre avec Sigourney Weaver en guerrière émaciée qui terrasse un monstre envahisseur. Ridley réalisera deux préquels – Prometheus (2012) et Alien : Covenant (2017) – à ce film qui a inspiré toute une saga :

Blade Runner (1982)

Adaptation libre d’un roman de Philippe K. Dick, Ridley Scott signe le premier long métrage de science-fiction digne de ce nom depuis 2001 : A Space Odyssey. Dans cet univers d’anticipation hyper-léché, il projette l’ambiance du film noir policier des années 1940.

Thelma & Louise (1991)

La liberté prend la forme d’une Ford Thunderbird à bord de laquelle embarquent deux héroïnes ordinaires qui partent en cavale dans le grand Ouest américain. Ridley Scott récolte la première de ses trois nominations comme meilleur réalisateur aux Oscars.

Gladiator (2000)

Récompensé par cinq Oscars, dont celui du meilleur film et du meilleur acteur (Russell Crowe), Gladiator mélange péplum et film à grand spectacle. Les reconstitutions des combats dans le Colisée sous l’Empire romain complétées par des images numériques sont époustouflantes. Un film qui pulvérise le box-office.

Black Hawk Down (2001)

Entre le 3 et 4 octobre 1993, la bataille de Mogadiscio en pleine guerre civile oppose un groupe de soldats américains d’élite et des milices de différents clans somaliens. Dix-huit Américains et des centaines de Somaliens périssent. Décrié comme un film de propagande américaine, ce premier film de guerre du Britannique, livre en réalité un compte rendu clinique d’une débâcle militaire.

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