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[Cinéma] Les papys font de la résistance dans « Rusty Boys »

Andy Bausch, le plus populaire des réalisateurs luxembourgeois, est de retour en salle avec Rusty Boys, un film sur quatre papys pas comme les autres. Peut-être son meilleur film!

Depuis 1986 et son Gwyncilla : Legend of Dark Ages, Andy Bausch s’est, film après film, imposé comme le plus populaire des cinéastes grand-ducaux. Troublemaker, Back in Trouble, Le Club des chômeurs, Inthierryview, D’Belle Époque, D’Fifties… Bausch a signé plusieurs des films qui ont marqué la production grand-ducale de ces trente dernières années. Après trois documentaires, le revoici dans une fiction sur le troisième âge, Rusty Boys. Écrit en compagnie de Frank Feitler, le film semble le plus abouti de sa vaste filmographie.

Nuckes, Fons, Lull et Jängi ne sont plus tout jeunes. À eux quatre, ils ne cumulent pas loin de 300 ans. Mais ce n’est pas parce qu’ils sont «vieux et croulants» – comme le précise l’affiche du film –, qu’ils sont désargentés et un brin dépassés par les nouvelles technologies et l’évolution du Grand-Duché qu’ils vont accepter de se faire dicter leur loi par les jeunes générations et se laisser traiter comme des enfants. Oh que non! Bien au contraire.

Les trois premiers se trouvent dans une maison de retraite. Fons et Lull sont pensionnaires. Nuckes, le jeunot de la bande (65 ans «seulement»), y travaille en tant que gardien. La directrice a beau être sympathique comme une porte de prison, le manque d’intérêt du personnel pour les résidents fait que les trois, enfin, surtout Fons et Nuckes, s’adonnent à des trafics en tout genre. Quand ils finissent par se faire prendre – offrir une jeune prostituée à Lull pour son anniversaire n’était peut-être pas une bonne idée – ils décident de se lancer dans la création d’une maison, non de retraite, mais pour personnes âgées et surtout solidaire. Et ils embarquent dans ce projet un peu fou Jängi, qui lui vit seul dans une petite cabane au fond de son jardin ouvrier.

C’est dans les vieux pots…

Le film ira ensuite de surprise en péripétie, avec beaucoup d’humour, pas mal de cynisme et toujours un côté politiquement incorrect très assumé. Le film tape bien et fort, là où ça fait mal. Sur la manière dont on traite nos vieux, sur le racisme ordinaire, sur l’embourgeoisement excessif du pays, sur le côté hautain de certains élus… Et propose surtout une photo très réaliste du pays. Enfin, surtout du sud du pays, le Minett, ce «triangle d’or» grand-ducal selon les termes du réalisateur : Schifflange, Esch-sur-Alzette et Rumelange.

Encore une fois, Andy Bausch s’intéresse aux sans-grades, aux petites gens, aux classes sociales les plus défavorisées. Exception qui confirme la règle, Lull, ancien dentiste qui a clairement eu de l’argent par le passé – ce qui lui vaut, au départ, l’inimitié de Fons, ancien chauffeur de taxi –, mais son comédien raté de fils semble depuis avoir englouti toute son épargne. Malgré un aspect film choral incontestable, avec 39 personnages parlants, le réalisateur parvient, sinon à rendre touchants tous les personnages, du moins à leur donner une véritable profondeur.

Si le réalisateur, et donc le film, ne parvient pas à éviter l’une ou l’autre maladresse ou quelques petites scènes qui ne passent pas, il réussit à donner à son récit une grande intensité et une grande justesse. «C’est l’apport de Frank Feitler», qui a cosigné le scénario, assure le réalisateur. Il en est de même pour les dialogues, ciselés comme il faut, précis, pertinents et avec pas mal de bons mots qui fusent tout au long des 107 minutes du film, ce qui sied à merveille au franc-parler sans filtre des quatre personnages principaux.

Résultat, ce Rusty Boys, s’annonce comme le meilleur film de la filmographie d’Andy Bausch. Comme quoi l’adage selon lequel «c’est dans les vieux pots qu’on fait la meilleure soupe», ce n’est peut-être pas que des paroles en l’air.

Pablo Chimienti

Rusty Boys, d’Andy Bausch. Dès demain en salle.

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