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[Cinéma] John Woo brise le silence


John Woo, 77 ans, tourne avec Silent Night son film à plus petit budget, et arpente le terrain du film d’action «réaliste».

Un film de Noël musclé, tendu et sans aucun dialogue : c’est le pari relevé par John Woo, maître chinois du cinéma d’action, avec Silent Night, qui signe son retour aux États-Unis après vingt ans.

Du haut de ses 77 ans, dont plus de cinquante passés sur les plateaux de cinéma, John Woo assurait récemment au New York Times : «Je n’aime pas particulièrement les films d’action – en fait, j’aime surtout les drames humains –, mais ils sont toujours amusants à faire.» En trois films, A Better Tomorrow (1986), The Killer (1989) et Hard Boiled (1992), le cinéaste chinois avait bien jeté les bases d’un polar nerveux, poisseux et amoral, dont la mise en scène chaotique (et non moins novatrice) a influencé Quentin Tarantino, les Wachowski ou encore Chad Stahelski, réalisateur de la saga John Wick. Ce sont ces trois mêmes films qui ont amené John Woo jusqu’à Hollywood au début des années 1990, où il a enchaîné six blockbusters sanglants et musclés en dix ans, avant son retour en Chine en 2003. «J’en avais assez. Ces gros films attirent tellement de problèmes», résume celui qui a mis en scène Tom Cruise dans ses premières cascades spectaculaires (Mission : Impossible 2, 2000).

Son nouveau film – le premier en sept ans – arrive aujourd’hui en salles comme un joli cadeau de Noël. «J’aime ce moment de l’année où les gens veulent voir de la joie, quelque chose qui les enchante», dit John Woo, précisant que Silent Night «offre (au public) une grande expérience collective». Ce qui l’a enchanté, c’est le scénario de Robert Archer Lynn : Brian Godlock (Joel Kinnaman) a perdu son fils, victime collatérale d’une guerre de gangs, un soir de Noël. Ayant perdu l’usage de la parole, et assoiffé de vengeance, Godlock prépare patiemment un plan qu’il viendra mettre à exécution au réveillon suivant…

Conformément au scénario (et à son titre), la particularité du film est qu’il est dépourvu de tout dialogue. Comme Chaplin et Keaton, qu’il admire, John Woo est un maître, comme eux, des scènes d’action réalisées sans trucage ou presque, mais cet amateur de ralentis, de plans séquences et de combats aux chorégraphies complexes a vu cette fois «une chance de dériver de (s)on propre style», tant par l’esthétique que par la narration : «Sans dialogue, je ne me suis exprimé qu’à la force de l’image et du son.» Le réalisateur de Red Cliff (2008), monument historique de près de cinq heures et film de tous les records en Chine, s’essaie aussi pour la première fois à un petit budget, arpentant ainsi le terrain du film d’action «réaliste». Ça tombe bien, lui «préfère toujours les vieilles méthodes aux nouvelles techniques».

Sans dialogue, je ne me suis exprimé qu’à la force de l’image et du son

À Hollywood, le Chinois a gardé la réputation d’être un directeur d’acteurs encourageant la liberté et la créativité; les compositions emblématiques de John Travolta et Nicolas Cage, survolté, dans Face/Off (1997), ont profondément marqué Joel Kinnaman, habitué aux films d’action (RoboCop, The Suicide Squad…). Pour le rôle de Brian Godlock, l’acteur suédois n’a pas pu se «cacher derrière le dialogue» et raconte être allé puiser dans ses débuts au théâtre pour interpréter ce héros sous un angle exclusivement physique. Et assure que John Woo est toujours réceptif aux remarques «quand elles sont bonnes» : sur une idée de l’acteur, le cinéaste a même «redessiné tout un plan séquence à l’intérieur duquel nous avons créé un flash-back sans couper. J’ai trouvé cela beau, émotionnellement et esthétiquement».

Le retour de John Woo en Amérique sera peut-être de courte durée. Qui sait? Lors des vingt dernières années en Chine, il a atteint un sommet (Red Cliff) pour trébucher avec chacun de ses films suivants, jusqu’à ce que Lion Rock, sa société de production, fasse faillite avec l’échec du drame épique The Crossing (2014). Pour l’instant, celui qui ne s’est jamais arrêté de composer et de recomposer sa grammaire cinématographique travaille au remake de son emblématique The Killer, qu’il a commencé à tourner à Paris avant la grève d’Hollywood et qui sera diffusé en streaming sur la plateforme américaine Peacock. «En vérité, on croirait un autre film», estime John Woo, qui y dirige notamment Omar Sy dans le rôle de l’antagoniste, un policier. Le film de 1989 était inspiré du Samouraï de Jean-Pierre Melville; cette nouvelle version, le cinéaste la considère comme «(s)a grande chance de rendre hommage aux films français qui (l)’ont tant influencé». Un cadeau pour Noël prochain ?

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