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[Cinéma] « Frantz », amitiés franco-allemandes


À l'origine de "Frantz", Ozon avance sa fascination pour la culture germanique. (Photo DR)

Deux êtres purs dans une époque troublée, du noir et blanc qui magnifie la couleur, c’est « Frantz », seizième et beau film du réalisateur français François Ozon. Une réussite.

D’avant-premières en France à la récente Mostra de Venise, François Ozon a dit et répété qu’ «inconsciemment, plusieurs de mes obsessions sont peut-être là. Mais les aborder dans une autre langue, avec d’autres acteurs, dans d’autres lieux que la France, m’a obligé à me renouveler. Il y avait beaucoup de défis excitants à relever dans ce film, je n’avais filmé la guerre, des combats, une petite ville allemande, Paris en noir et blanc, en allemand»…

Voilà donc, sur grand écran, Frantz du réalisateur français reconnu pour, entre autres, Sous le sable (2000), Huit Femmes (2001), Swimming Pool (2003) ou Jeune & jolie (2013)… Une fois encore, Ozon a osé. Là, il joue le noir et blanc, la langue allemande, et dit aussi : «Quand nous, Français, voyageons dans leur pays, nous nous rendons compte que les Allemands sont souvent très curieux de notre culture et que nous gardons une espèce de méfiance vis-à-vis de la leur. C’est sans doute un héritage de la guerre. Je voulais vraiment saluer leur littérature, leurs peintures pour lesquelles je ressens une forte connexion. L’art est donc très présent dans ce film.»

«Comment passer après Lubitsch ?»

Pour illustrer le propos et ce qu’il appelle ses «obsessions», le cinéaste a placé son histoire au lendemain de la Première Guerre mondiale. Le décor : une petite ville d’Allemagne où, chaque jour, Anna va se recueillir sur la tombe de son fiancé Frantz tombé au front en France. Un jour, un jeune Français, Adrien, vient lui aussi se recueillir sur la tombe de son ami allemand. Dans la petite ville, dans cette après-guerre où l’Allemagne tente de gérer sa défaite, surgissent des réactions passionnelles…

Frantz est le remake de Broken Lullaby d’Ernst Lubitsch sorti sur les écrans en 1932 et adapté d’une pièce de Maurice Rostand publiée en 1930. «Ma première réaction a été de laisser tomber, confie François Ozon. Comment passer après Lubitsch ?» Alors, le réalisateur français a fait un pas de côté, celui qui consiste à adopter un point de vue différent. Celui de la jeune veuve et non plus celui du soldat français, tout en conservant certaines des scènes créées pour le film de Lubitsch et en y ajoutant une seconde partie, centrée sur le personnage d’Anna, interprétée par l’impeccable comédienne allemande Paula Beer, prix du meilleur jeune espoir à la Mostra.

Frantz, c’est aussi un beau film qui s’interroge, entre mensonge et vérité. Dans cette histoire d’amitiés franco-allemandes, Ozon a voulu surtout tourner un film sur le mensonge, parce qu’il juge le contraste intéressant avec notre «époque obsédée par la vérité et la transparence». Parmi les points forts du nouveau film, le noir et blanc (avec quand même la couleur pour de rares scènes). Un choix qui traduit une ambition artistique : «Du point de vue esthétique, il me semble que la guerre est une période de deuil, de douleur et donc que le blanc et le noir sont les couleurs les plus justes.»

Un autre point fort de ce film tout en élégance : dans le rôle d’Adrien, la présence de Pierre Niney, 27 ans, presque en transparence. «C’est un acteur qui n’a pas peur d’assumer sa fragilité et sa sensibilité», conclut François Ozon. Pour l’ancien pensionnaire de la Comédie-Française, l’une des difficultés du rôle a été «d’apprendre à parler l’allemand, à jouer du violon». «Il a fallu aussi travailler sur les choses qu’il fallait cacher ou montrer parce que je suis le porteur de ce mystère, je suis le premier menteur du film», ajoute le plus jeune meilleur acteur du cinéma français, «césarisé» en 2015 pour Yves Saint Laurent.

De notre correspondant à Paris, Serge Bressan

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