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[Cinéma] « Fire of Love » entretient la flamme


Le film est essentiellement constitué d'images prises par les deux scientifiques qui ont sillonné le monde pendant vingt-cinq ans. (Photo : national geographic)

Après avoir été conservées près de vingt ans par une association de Nancy, des images spectaculaires prises par un couple de volcanologues hors du commun ressurgissent dans un fascinant documentaire nommé aux Oscars.

Fire of Love, de l’Américaine Sara Dosa, était en lice dimanche aux Baftas, récompenses britanniques du cinéma (c’est finalement Navalny qui s’est imposé dans la catégorie «documentaire»). Mais le film pourra se rattraper aux Oscars, prévus pour la mi-mars, après avoir déjà récolté plusieurs prix. Il est consacré à la passion que les chercheurs alsaciens Maurice et Katia Krafft avaient l’un pour l’autre et pour les volcans, un triangle amoureux qui s’est conclu tragiquement en 1991 au mont Unzen (Japon), suite à une nuée ardente (NDLR : mélange de gaz, de cendres et de roches).

Le film qui débute et s’achève avec ce drame – est essentiellement constitué d’images prises par les deux scientifiques qui ont sillonné le monde pendant vingt-cinq ans, documentant leurs expéditions pour financer d’incessants voyages et nourrir leurs propres documentaires, livres et conférences. Ce fonds Krafft (300 000 photos sous forme de diapositives prises par Katia et 800 bobines de films en 16 mm tournés par Maurice) avait été confié en 2003 par Bertrand Krafft, frère du volcanologue, à Image’Est, association de conservation du patrimoine cinématographique et audiovisuel située à Nancy.

La curiosité plus forte que la peur

Jusqu’à ce qu’une productrice canadienne décide d’exploiter ce trésor. «Quand Ina Fichman m’a contacté il y a plus de trois ans, son souhait était que tout puisse être numérisé, chose qui n’avait jamais été faite», raconte Mathieu Rousseau, chef de projet au pôle patrimoine d’Image’Est. Après un long travail de numérisation et de restauration, son association a pu lui fournir 150 heures de rushs originaux.

Plan de Katia en combinaison ignifugée devant un volcan en éruption ou de Maurice pagayant sur un lac d’acide : ces images, parfois terrifiantes, laissent entrevoir la vie d’un couple pour qui la curiosité scientifique était plus forte que la peur. On y décèle aussi «un rapport poétique, sensuel, aux volcans», dit Mathieu Rousseau. Le documentaire s’intéresse en effet à cet inhabituel «triangle amoureux» qui unissait les deux chercheurs et leur obsession volcanique. «Les volcans, c’est ce qui les a réunis en premier lieu, et ça a été le moteur, le combustible de leur relation», estime la réalisatrice Sara Dosa.

 

Cette passion avait frappé Maurice tout jeune lorsque ses parents l’avaient emmené voir le Stromboli, en Italie, explique son frère Bertrand, 82 ans, dans sa maison proche de Nancy. «Nous avons décidé de monter la nuit, le sol crissait sous nos pieds avec la lave qui refroidissait. Parfois, ça tremblait… On est restés là, sans dire un mot, jusqu’au lendemain. On a vu le lever de soleil sur le Stromboli, avec ces bombes volcaniques… Pour Maurice, ça a fait tilt!», raconte-t-il.

Face aux risques, la prévention

Leurs parents développent la fibre scientifique des deux garçons. «Gamins, on jouait à faire des volcans dans le jardin. On faisait un tas de sable et on mettait un feu de bengale», se remémore Bertrand Krafft. L’aîné se consacrera à la biologie, son cadet à la volcanologie. Il rencontrera l’âme sœur sur les bancs de l’Université de Strasbourg. Si Maurice était le plus extraverti et le plus casse-cou des deux, Katia n’en était pas moins courageuse face aux situations périlleuses. Pour Bertrand Krafft, «ils étaient complémentaires. Maurice était un fonceur, un bulldozer. Katia était plus raisonnable.»

Après avoir été témoins de l’éruption du mont Saint Helens en 1980 (États-Unis), puis du désastre du Nevado del Ruiz (Colombie) qui avait tué quelque 25 000 personnes cinq ans plus tard, les deux vulcanologues avaient décidé de sensibiliser les gouvernements aux risques, et à la nécessité de mettre en place des plans de prévention adaptés. «Ils saisissaient les images sur le vif et étaient clairement les mieux placés pour ce travail. C’est littéralement ce qu’ils tentaient de faire lorsqu’ils sont morts», souligne encore Sara Dosa. On leur doit ainsi la Maison du volcan sur l’île de la Réunion et le parc Vulcania, en Auvergne.

Un style proche de la Nouvelle Vague

Pour Mathieu Rousseau, voir Fire of Love a été «émouvant», d’autant que le fonds Krafft a désormais quitté Image’Est, après avoir été racheté par le producteur Julien Dumont (Titan films) qui a pour projet de créer un musée des sciences de la terre à Lyon. Pour sa part, Bertrand Krafft a lui ressenti un «soulagement», estimant qu’il représente un hommage nécessaire à un couple qui était «mieux connu aux États-Unis qu’en France» : «Ils ont enfin ce qu’ils méritaient.»

La réalisatrice, de son côté, insiste beaucoup sur la puissance des images tournées par les Krafft : des vidéos époustouflantes, tournées sur les cratères, et parfois même à l’intérieur, pleines de lave rougeoyante, de paysages désolés semblant venir d’une autre planète. Le tout avec un style distinctif qui a, selon elle, toutes «les caractéristiques de la Nouvelle Vague» des cinéastes français, «aux histoires de triangle amoureux». «Ils ont eu une vie et connu une mort toutes deux pleines de sens. Il s’agissait en grande partie de suivre leur amour», conclut Sara Dosa.

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