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[Cinéma] Ferrari en sous-régime


Le film est disponible sur Prime Video. (photo DR)

Michael Mann s’offre un nouveau tour de piste avec Ferrari.

Qu’est-ce qui est rouge et roule très vite ? Une Ferrari bien sûr ! Un bijou d’élégance à l’italienne et de puissance bestiale, symbolisée par ce cheval toujours prêt à galoper. Malgré son âge avancé (elle fêtera son siècle d’existence en 2029), l’écurie continue de séduire, jusqu’au cinéma. Ainsi, en 2013, grâce à Ron Howard, l’un de ses pilotes emblématiques, Niki Lauda, retrouvait son terrain de jeu et son ennemi préféré de chez McLaren, James Hunt (Rush).

Ces derniers temps, l’allure s’est même accélérée, à fond de sixième, avec Le Mans 66 (2019), le confidentiel Lamborghini (2022) et la nouvelle série d’Apple TV+ signée par Steven Knight (l’auteur de Peaky Blinders). Point commun entre toutes ces productions : la présence, en retrait ou en pleine lumière, du personnage d’Enzo Ferrari, l’un des plus fameux créateurs de voitures de prestige au monde, et grand manitou de la course automobile.

Cela fait quelques années que Michael Mann, fan de gros moteurs et déjà coproducteur de Le Mans 66, comptait réaliser un biopic sur l’homme, ancien pilote devenu grand industriel, respecté et craint à la fois (d’où son surnom de «Commandeur»). Il avait songé d’abord, pour l’incarner, à Robert De Niro, puis Christian Bale et Hugh Jackman. Mais ce sera finalement Adam Driver qui va coiffer tout ce beau monde sur la ligne d’arrivée. Logique, cela doit aider, avec un tel nom…

 

Toujours bien mis dans un costume à la coupe impeccable, et avec ses cheveux grisonnants, l’acteur ramène à 1957, période cruciale pour la marque et son mentor : alors que les courses battent leur plein, le dirigeant, 59 ans, est confronté à une double crise, à la fois financière et familiale. La faillite menace en effet l’usine de Modène que lui et sa femme, Laura, ont construite à partir de rien dix ans plus tôt. Et leur mariage, déjà ébranlé par la perte de leur seul fils Dino, souffre aussi de l’infidélité du mari qui mène une double vie ailleurs.

Si vous montez dans une de mes voitures, c’est pour gagner !

Vétéran du circuit du haut de ses 81 ans, avec un joli palmarès à la clé (la série Miami Vice, les films The Last of the Mohicans, Heat, The Insider et Collateral), Michael Mann s’offre donc un nouveau tour de piste, lancé en trombe en septembre à la Mostra de Venise, et qui s’achèvera prochainement sur la plateforme Amazon Prime. Pour le coup, le réalisateur américain reste fidèle à une méthode qui a fait jusque-là son succès : mixer l’intime au grand spectacle, en l’occurrence l’humain et ses turpitudes face à la belle mécanique.

Côté coulisses, Adam Driver a tout de l’homme au bord du précipice, tiraillé par une maîtresse dont il ne peut reconnaître le fils caché, et sa femme, rongée par le deuil et son couple. Au cœur de ce trio amoureux, l’acteur, crépusculaire, fait le minimum syndical. Et son visage impassible ne fait pas le poids, transparent qu’il est face aux émotions à fleur de peau des comédiennes, Penélope Cruz et Sarah Gadon – ce qui, pour un biopic, est plutôt gênant.

Côté paddocks, on découvre un ingénieur qui scrute les machines dans le détail, un communicant choisissant les journalistes qui peuvent parler aux pilotes, un patron qui vire des stands les petites amies de ces derniers (pour ne pas qu’ils se déconcentrent) et un chef impitoyable pour qui, chronomètre en main, chaque seconde importe et seule la victoire compte. «Si vous montez dans une de mes voitures, c’est pour gagner!», balance-t-il à son équipe. Sur la piste, à ras du bitume, le film rappelle également que la course automobile a bien changé, qu’aujourd’hui, on ne fait plus de voiture avec un cendrier à bord et que les circuits sont sécurisés, pas seulement avec des bottes de paille. Oui, à l’époque, les accidents étaient légion et les morts s’affichaient à la une des journaux, au point que ces casse-cous de l’asphalte laissaient, avant chaque départ, une lettre à leur famille ou compagne.

Ici, action rime donc avec compétition, ce qui vaut des scènes de course pétaradantes et «vintage». Elles trouvent leur paroxysme dans la tragédie de Guidizzolo, à l’occasion de la Mille Miglia, une compétition automobile de presque 1 600 kilomètres (entre Brescia et Rome) se déroulant exclusivement sur des voies publiques. Cette édition de 1957 sera d’ailleurs la dernière après l’accident mortel d’Alfonso de Portago et de son copilote, qui entraîna la mort de neuf spectateurs. Si en mode roue contre roue, à fond la caisse, le film tient la cadence, il n’évite pas quelques sorties de route, dans la forme (à l’instar de ce mannequin bringuebalant dans les airs) comme dans le ton, au point mort. C’est certain, avec un tel cinéaste, un tel sujet et un tel casting, on pouvait s’attendre à mieux. Ferrari aurait pu être d’un autre métal, mais ici, le rutilant bolide s’est grippé. Reste au final cette impression, un peu lasse et étrange, d’avoir conduit un monospace familial sur les chemins d’une Italie de carte postale : sympa, mais assommant.

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