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[Cinéma] Dans la famille Brontë, voici Emily!


Qui était l’auteure des Hauts de Hurlevent? C’est à cette question que tente de répondre Emily, film d’époque avec Emma Mackey dans le rôle phare. (Photo : Wild Bunch Germany)

Les inconditionnels des sœurs Brontë adoreront détester : Emily, faux biopic consacré à l’auteure des Hauts de Hurlevent, sort en salle.

Le premier film de l’actrice australienne Frances O’Connor assume un parti pris : sortir la figure d’Emily Brontë  (1818-1848), cadette d’une fratrie, de l’ombre de ses sœurs pour en faire l’unique sujet du film. «Il m’a toujours semblé qu’Emily était singulière. C’est quelqu’un qui avait une voix à part. Voix qu’elle a gardée au fil des années», dit la réalisatrice.

Le film, qui n’est «pas un biopic», assure-t-elle, assume prendre ses distances avec la réalité en prêtant notamment une passion à la romancière, décédée à 30 ans au terme d’une existence solitaire dans le presbytère de Haworth (Yorkshire), avec un pasteur de la paroisse de son père. Elle laissera derrière elle un roman phare : Les Hauts de Hurlevent.

Ce classique de la littérature – qui est aussi l’unique livre de la romancière – est souvent noyé dans un tout : celui de l’œuvre romanesque des dites «sœurs Brontë», constituée en grande partie de deux autres classiques : Jane Eyre écrit par Charlotte et La Locataire de Wildfell Hall écrit par Anne. Du coup, le film ne se contente pas d’évoquer un destin, mais revient aussi sur la relation «complexe» qu’entretenait Emily Brontë avec ses sœurs, et plus particulièrement avec l’aînée, Charlotte. «Il y avait quelque chose de l’ordre d’une lutte de pouvoir», souligne la réalisatrice.

Des tensions exacerbées pour les besoins du film, admet Frances O’Connor, qui affirme toutefois avoir «consulté de nombreuses sources bibliographiques». Elle poursuit : «Je pense que la vraie Charlotte n’était pas jalouse, mais sans doute contrariée, parce que, contrairement à Emily qui passait ses journées cloîtrée dans sa chambre à écrire, elle devait travailler».

«Raconter un destin»

Malgré ça, Charlotte a essayé de protéger ses sœurs. «Il faut se rappeler qu’à leur sortie, leurs livres ont été très controversés. Les Hauts de Hurlevent a eu de très mauvaises critiques. On se demandait qui avait pu écrire un livre aussi noir. Charlotte a été présente pour assurer le service après-vente», soutient-elle.

La réalisatrice ajoute s’être en partie inspirée du mythique film Amadeus (1984) de Miloš Forman, sur la vie de Mozart (qui avait raflé huit Oscars). «Je ne voulais pas raconter sa vie événement par événement, mais plutôt raconter un destin en y injectant des éléments de son livre», détaille-t-elle.

Dans le rôle de cette Emily introvertie et fougueuse, on trouve l’actrice de Sex Education et Eiffel, Emma Mackey. Omniprésente à l’écran, récompensée il y a quelques semaines du prix de «l’étoile montante» aux Bafta (équivalent britannique des César), elle y livre une prestation bluffante.

En outre, le film s’inscrit dans la lignée de ceux consacrés à Virginia Woolf, Colette ou encore Emily Dickinson, dont la vie a déjà fait l’objet d’une adaptation en série (Dickinson sur Apple TV+). À chaque fois, elles y sont dépeintes en femmes libres, voire en icônes féministes. «Je pense vraiment qu’Emily Brontë peut parler aux jeunes femmes d’aujourd’hui», affirme encore Frances O’Connor. «C’est quelqu’un qui n’a pas hésité à s’écouter, quitte à être à contre-courant».

Emily, de Frances O’Connor.

Dans l'intimité des fratries d’auteures anglo-saxonnes

Complices mais rivales, c’est ainsi que Laura Ulonati résume la relation entre Virginia Woolf (1882-1941) et sa sœur aînée, la peintre Vanessa Bell (1879-1961), dans son livre Double V paru début janvier (Actes Sud). Là encore, l’ouvrage ne prétend pas être une biographie, mais offre une plongée romanesque aux sources de la relation entre les deux sœurs. Si Vanessa «a été connue avant Virginia», précise l’auteure, sa vie est restée largement dans l’ombre de celle de l’écrivaine d’Une chambre à soi et d’Orlando.

Et de remonter le fil d’une relation nourrie par la rivalité. Qu’elle soit d’ailleurs artistique (il ne peut y avoir qu’un génie dans la famille), amoureuse ou maternelle. Virginia n’a pas eu d’enfants, Vanessa en a eu trois. Rivalité nourrie par l’obsession d’obtenir «le regard du père», assure l’auteure. Reste que les deux sœurs ne se sont jamais quittées. «Il y avait entre elles une admiration sincère!» Admiration qui prend vie dans le portrait de Virginia peint par son aînée en 1912. «Virginia a été un des grands soutiens de Vanessa», insiste Laura Ulonati.

Lavinia Dickinson a, elle aussi, joué un rôle décisif dans la renommée de sa sœur, la poétesse américaine Emily Dickinson (1830-86), comme le raconte l’écrivaine québécoise Dominique Fortier dans Les Ombres blanches, sorti en France cette année (Grasset).

Suite des Villes de papier, l’ouvrage revient sur le travail de Lavinia dans la publication posthume des manuscrits de sa sœur. «On peut imaginer que leur relation était difficile», avance l’auteure, pour qui «la personnalité introvertie d’Emily la rendait dure à vivre». Mais le rôle de Lavinia «a été décisif». «Sans elle, nous n’aurions pas eu accès à l’œuvre d’Emily».

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