Le film choc «Civil War», en salles ce mercredi, s’alarme d’un effondrement de l’ordre public aux États-Unis, à quelques mois de l’élection présidentielle.
Avec son affiche en forme de clin d’œil à Apocalypse Now (Francis Ford Coppola, 1979), soleil rougissant à l’horizon et hélicoptère de combat, le projet de Civil War est ambitieux : décrire avec le plus grand réalisme possible le chaos et la sauvagerie qui menaceraient les États-Unis à court terme. Loin du Vietnam, l’enfer prend pour décor Washington et le reste d’un pays à feu et à sang, confronté dans un futur proche à la sécession de la Californie et du Texas. La violence et les armes sont partout, les attentats quotidiens, tandis que le président aux accents fascistes est retranché dans une Maison-Blanche aux allures de zone verte. Le FBI a été démantelé et des drones militaires attaquent des civils américains.
Signé du Britannique Alex Garland (Ex Machina, Annihilation, Men, la série Devs), ce film indépendant à gros budget concentre l’intrigue sur un petit groupe de quatre journalistes de guerre. Parmi eux, une photographe réputée (Kirsten Dunst) qui prend sous son aile une jeune tête brûlée (Cailee Spaeny, révélée par Priscilla, de Sofia Coppola). Pétris d’idéal, ces reporters bravent tous les dangers pour espérer atteindre la Maison-Blanche et obtenir une interview du président des États-Unis. Les sources du conflit, ou l’idéologie à l’œuvre, sont sciemment omises par Alex Garland. L’action est centrée d’ailleurs sur le quotidien des habitants qui a basculé dans l’horreur.
Nous n’avons pas besoin d’être explicites. Nous savons exactement comment cela pourrait se produire
À un peu plus de six mois d’un scrutin sous tension, le film résonne avec les inquiétudes des citoyens américains. Et sonne comme une mise en garde dans l’esprit de son réalisateur. Le «président à trois mandats» du film permet de dresser un parallèle avec la peur qu’ont de nombreux Américains en cas de réélection de Donald Trump. Ils craignent que le milliardaire républicain refuse de se plier à la Constitution qui limite à deux le nombre de mandats présidentiels et de quitter le pouvoir après quatre ans. Un scénario pas si invraisemblable «si vous le prenez au mot», assure William Howell, professeur de sciences politiques à l’université de Chicago. «Et je pense que l’on aurait tort» de ne pas y croire. Pour autant, «je ne pense pas que nous soyons au bord d’une guerre civile», ajoute-t-il, évoquant plutôt «l’érosion des pouvoirs étatiques, le sabotage des administrations et la désaffection du grand public» comme raisons de cette polarisation.
Aux États-Unis, certains ont critiqué la sortie du film en pleine campagne électorale, redoutant que cela ne jette de l’huile sur le feu. Le réalisateur a estimé de son côté que Civil War devait permettre de discuter de la division de la société et du populisme. Et que sa violence crue et réaliste a pour but de vacciner les spectateurs contre la guerre. «Nous n’avons pas besoin d’être explicites. Nous savons exactement comment cela pourrait se produire», a souligné Alex Garland lors de l’avant-première du film à Austin, capitale du Texas.
Le romancier canadien Stephen Marche estime, lui, que les États-Unis sont «un cas d’école d’un pays allant tout droit à la guerre civile». Dans son livre The Next Civil War, il utilise des modèles de science politique pour avancer cinq scénarios qui pourraient déclencher un conflit armé de grande ampleur aux États-Unis : des milices hostiles à l’État affrontent les forces fédérales, un président est assassiné… Pour certains, la violence politique «devient acceptable et dans un certain sens, inévitable», car ils «ne pensent pas que leur gouvernement est légitime», affirme l’écrivain. Dans une enquête menée en 2023 par les instituts Brookings et PRRI, 23 % des Américains interrogés estimaient que «les vrais patriotes américains pourraient être contraints de recourir à la violence pour sauver (leur) pays».