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« Célimène et le cardinal », un régal à découvrir au TOL


Une véritable suite du Misanthrope, dans laquelle on retrouve le sulfureux duo certes changé, mais à l'amour réciproque intact. (photo ©Ricardo Vaz Palma)

« C’est un risque de revenir ici, remuer le passé… » Alceste, le célèbre personnage de Molière, savait que c’était périlleux de retrouver Célimène, vingt ans après leur séparation, même si c’est pour la sauver des flammes de l’enfer comme le suggèrent ses rêves à répétition.

Car aujourd’hui, il n’est plus le garçon à fleur de peau refusant l’hypocrisie et les faux-semblants. C’est en effet dans les habits austères de cardinal qu’il s’en va rendre visite à son ancienne amante – devenue épouse bourgeoise et mère de quatre enfants –, bien décidé à confesser cette brebis égarée, à ses yeux trop heureuse pour être honnête. Bien mal lui en a pris… Ces retrouvailles, c’est Jacques Rampal qui les a imaginées en 1992, soit plus de trois siècles après Le Misanthrope. Une véritable suite, intitulée Célimène et le Cardinal, dans laquelle on retrouve le sulfureux duo certes changé, mais à l’amour réciproque intact.

Mais si déjà, à l’époque, leur passion était compliquée, désormais, elle est inconciliable avec, d’un côté, cet homme d’Église, convaincu d’être l’ambassadeur de Dieu auprès des hommes, figure froide au teint blafard, sorte de Frollo mû par sa foi; et, de l’autre, cette pétillante quadragénaire, à l’esprit vivace et aux convictions progressistes. Derrière les situations, ce sont deux mondes qui s’affrontent ici : celui du radicalisme religieux, craint et respecté, face à celui du refus de la soumission. En somme, l’obscurantisme contre les Lumières, la crasse tradition contre la liberté de penser , le passé contre l’avenir…

Comme un match de boxe, coups bas compris

Pour le TOL, le metteur en scène Jérôme Varanfrain était confronté à deux problématiques. D’abord, trouver une distribution «qui fonctionne» : dans ce jeu du chat et de la souris, Colette Kieffer et Frédéric Largier sont remarquables, portant leur personnage avec brio, et rendant grâce à un texte en alexandrins, respectant ainsi la musicalité de l’écrit sans pour autant perdre la teneur – ô combien importante – des propos. Ensuite, ne pas tomber dans l’exercice trop facile de la farce, et passer ainsi à côté de ce que doit rester Célimène et le Cardinal : une comédie dramatique, romantique et de mœurs.

En dehors des quelques «excès de faciès» du comédien, aux expressions parfois «cartoonesques», le pari est tenu, et la joute verbale proposée par les deux acteurs trouve le bon rythme, entre saillies et retenues. Oui, les regarder s’affronter sur scène, c’est comme assister à un match de boxe, coups bas compris. Célimène, par ses réflexions sur Dieu – «qui est amour et humour» – la noblesse, l’Église, la prière, la mort, et encore le statut de la femme, renvoie régulièrement Alceste dans les cordes, qui se défend par la mauvaise foi – «discuter et blasphémer, c’est la même chose!» – quand il ne sort pas l’arme ultime : l’excommunication.

Un duel qui sait aussi souffler et, régulièrement, on se retrouve avec l’un des deux personnages en aparté, pour le coup à vif, laissant tomber tous les faux-semblants sous les mélodies chaotiques et saccadées du clavecin. Et si finalement la passion et le désir renaissaient sur ce champ de bataille ? Avec des thèmes qui font écho, dans une étrange justesse, aux problématiques du monde contemporain, Célimène et le Cardinal vaut surtout pour l’élégance de la langue et sa construction habile. Un régal.

Grégory Cimatti

Au TOL – Luxembourg. Prochaine représentation jeudi à 19 h. Jusqu’au 15 février.

 

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