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Cannes 2016 : Astrid Whettnall, actrice engagée


Astrid Whettnall. (photo Thibaut Demeyer)

Malgré un agenda chargé, l’actrice belge Astrid Whettnall a pris le temps de nous recevoir sur la Plage du Majestic et nous parler, entre autres, de son nouveau film « La Route d’Istanbul » de Rachid Bouchareb où elle campe une infirmière à la recherche de sa fille partie en Syrie pour faire le djihâd. Un rôle fort pour une actrice aussi talentueuse que souriante. Rencontre.

Vous souvenez-vous du jour où vous vous êtes dit « quand je serai grande, je serai actrice » ?

Astrid Whettnall : J’avoue que je me suis cherchée pendant longtemps. Au départ, je voulais être archéologue mais en même temps, je rêvais du métier d’actrice sans vraiment y croire jusqu’à mes 21 ans, où je suis rentrée au Petit Conservatoire de Levallois-Perret. C’est à ce moment-là que j’ai trouvé ma voie. D’abord au théâtre pendant longtemps. Le cinéma j’adorais, j’y allais souvent mais on ne me proposait pas de trucs super intéressants. Les rôles étaient plus enrichissants au théâtre jusqu’il y a 5 ans où Vincent Lannoo m’a offert mon premier vrai et beau rôle au cinéma, c’était pour « Little Glory ».

Quelle est la raison de votre présence à Cannes ?

Je suis venue accompagner Rachid Bouchareb avec lequel j’ai tournée « La route d’Istanbul » qui est sorti mercredi dernier en Belgique et qui sort maintenant un peu partout dans le monde.

Cette année, les Frères Dardenne sont à nouveau en compétition. Qu’est-ce que leur cinéma vous inspire ?

Le cinéma des Dardenne comme celui de Ken Loach, également en compétition cette année, ou de Costa Gavras, bref, ce genre de cinéma engagé me parle lorsqu’ils dénoncent des vérités très intimes, humaines rendant les propos universels qui poussent à la réflexion. J’aime ce côté authentique, radical et honnête.

Vous êtes ici en partie pour le film de Rachid Bouchareb. Comment l’avez-vous rencontré ?

Je le connaissais déjà bien avant, ce réalisateur que j’ai toujours fortement apprécié. Il y a deux ans, se trouvait dans le coffret des César le film « Au Nom du Fils » de Vincent Lannoo dans lequel j’avais le rôle principal. « La Route d’Istanbul » était en préparation depuis quatre ans et il n’avait toujours pas trouvé son actrice principale. C’est après avoir visionné le film de Vincent Lannoo qu’il m’a contactée pour me proposer le rôle d’Elisabeth. Je suis donc arrivée très tard sur le projet, soit à un mois du début du tournage. Il est venu me rencontrer à Bruxelles où nous avons bu un café pendant 1h30 et ce qui est drôle c’est qu’il n’a pas dit un mot sur son film durant tout ce temps et à la fin de notre café, il m’a proposé le rôle.

Lors de notre rencontre avec Marion Cotillard, elle nous a confié qu’elle avait besoin d’informations sur ses personnages, quitte à devoir inventer un passé à ceux-ci. Est-ce que vous aussi vous avez besoin de connaître par exemple l’enfance de vos personnages pour mieux les intégrer ?

Tout dépend du temps que nous avons. Pour le film de Rachid Bouchareb, je n’avais qu’un mois. En général, je n’attends pas vraiment quelque chose du réalisateur. Je prends ce qu’il me donne. Alors certains sont assez avares en indications, d’autres ont une idée très précise et nous explique vraiment bien. Rachid m’a donné peu d’explications mais il voulait que ce soit quelqu’un de très rural, un personnage très réaliste comme dans la vie, un peu comme un documentaire. Mais j’ai besoin de la rêver, de mieux la connaître à travers son enfance, ses manques, ses douleurs, ses faiblesses, son courage, quel genre de mère est-elle ou a-t-elle eu ? Je prépare donc mes rôles plus dans ce sens-là qu’à travers mes textes.

Pensez-vous que l’on en sort vraiment indemne de ce genre de personnage ?

C’est peut-être paradoxal mais à chaque fois, je m’en sors enrichie. Ici, on traite d’un sujet fort et complexe qui me touche réellement. Et puis, c’est un très beau personnage, elle est courageuse, vaillante, elle me tire vers le haut. Elle m’a insufflé de l’énergie. Ce qui est très important, ce sont les personnes avec qui on travaille car c’est une aventure de minimum deux mois. Rachid est un réalisateur très généreux, il est riche d’intelligence. Sans compter que j’ai eu la chance de rencontrer des parents qui ont vécu cette mésaventure et qui sont exceptionnels. Tu croises donc des parcours de vie qui ne peuvent que t’enrichir.

Est-ce que Rachid Bouchareb vous a parlé de la condition de la femme dans ces pays musulmans ?

Oui, un peu. Mais je me suis aussi beaucoup renseignée, j’ai aussi beaucoup d’amis qui vivent dans des pays musulmans alors forcément, on en parle. Il y a aussi leur famille qui est plus traditionnelle que la nouvelle génération. Hier par exemple, j’ai découvert un reportage égyptien sur les années 60 où il y avait encore une telle liberté.

C’était incroyable, les hommes se promenaient en costumes, les femmes n’étaient pas voilées, et lorsque le Président Nasser disait que les frères musulmans voulaient obliger les femmes à porter le voile, tout le public rigolait et c’est là que tu te rends compte qu’aujourd’hui, on vit dans un monde où toutes ces libertés que l’on pensait avoir gagnées comme le droit des femmes, à l’avortement, à l’euthanasie, au mariage homosexuel, tout ce qui nous a pris du temps à gagner est en danger.

 À Cannes, Thibaut Demeyer

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