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Boire sans modération, une tradition indéboulonnable au Vietnam


Au son d’une musique assourdissante mixée par une DJ, les clients alignent les pintes au bar « The hangover » (« gueule de bois »), alors que la consommation d’alcool, partie intégrante de la culture du pays communiste, ne cesse de grimper.

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« Le but quand on boit, c’est de finir saoul. Cela ne sert à rien si on ne finit pas ivre », résume Vo Van Bao, 21 ans. (Photo : AFP)

La bière vietnamienne reste l’une des moins chères au monde, à moins de 30 centimes d’euro le verre. Mais ces dernières années, le pays fait partie de ceux qui montent le plus vite dans les classements évaluant la consommation d’alcool par pays. Les bars à bières, avec air conditionné et DJ, viennent désormais s’ajouter aux traditionnels bars de rue, notamment à Ho Chi Minh-ville, l’ancienne Saïgon, capitale économique et de la fête.

La façon de consommer évolue, mais le résultat reste le même. « Le but quand on boit, c’est de finir saoul. Cela ne sert à rien si on ne finit pas ivre », résume Vo Van Bao, 21 ans, client du bar « Hangover ». Les toilettes sont équipées de « bassines pour vomir », tradition vietnamienne. Le Vietnam est sur la troisième marche du podium des plus gros buveurs de bière en Asie, derrière le Japon et la Chine.

> L’alcool, un truc d’hommes

Sur le papier, la consommation d’alcool au Vietnam n’a cependant encore rien de choquant. Elle arrive loin derrière des gros consommateurs comme la Russie, la France ou la Grande-Bretagne, selon les chiffres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Mais les statistiques sont trompeuses, car seules 2% des Vietnamiennes boivent, rappelle l’OMS. « Les hommes vietnamiens boivent dans des proportions dangereuses, avec plus de six verres par soirée… cela devient un important problème sanitaire », explique Nguyen Phuong Nam, représentant de l’OMS dans le pays. L’abus d’alcool est en effet une source majeure d’accidents de la route et de cirrhoses. Et 60% des violences domestiques sont imputables à l’alcool selon le gouvernement.

Celui-ci a lancé une campagne de prévention routière, pour inciter les conducteurs à ne pas boire lors des fêtes du Têt, le nouvel an lunaire, qui débute le 19 février et qui est une période où les banquets alcoolisés se multiplient. Rien qu’à Hanoï, près de 200 millions de litres de bière vont être englouties pendant ces festivités, selon la presse officielle. Les autorités ont tenté par le passé d’interdire la vente de bière après dix heures du soir ou de limiter la vente aux bars en bonne et due forme (avec comme critère de vente le fait d’être équipé de l’air climatisé).

Mais les mesures proposées ont été la risée des médias, pourtant tous contrôlés par le régime, et elles sont restées lettre morte. Avec une population de plus de 90 millions d’habitants dont la moitié a moins de 30 ans, le problème n’a guère de chance de s’infléchir, en l’absence de politique de santé publique.

> Comme un drapeau sans vent

En effet, au Vietnam, il n’y a pas de concept d’alcoolisme – et même pas de mot pour « gueule de bois ». Une expression vietnamienne, révélatrice de la culture de la boisson à outrance comme un signe extérieur de virilité, dit qu' »un homme sans alcool est comme un drapeau sans vent ». Chaque année, les Vietnamiens engloutissent trois milliards de litres de bière. Le marché est dominé par trois grosses compagnies vietnamiennes et chaque grande ville a sa propre marque locale, comme « Beer Saigon » ou « La Rue » à Hanoï.

A Hanoï, la bière la plus célèbre est la « bia hoi », une bière légère avec une courte période de fermentation. Ne faisant que 3°, son goût est plus proche des bières occidentales. « Je bois tous les jours, de la bière ou de l’alcool. je sais que ce n’est pas bon pour ma santé, mais c’est dur d’arrêter », confie Nguyen Van Thanh, ingénieur de 42 ans interrogé dans un bar de Hanoï, avec une dizaine de bières vides devant lui.

« Parfois, je ne réussis à travailler que si je suis saoul », ajoute-t-il, laissé seul face à lui-même face à cette addiction, dans ce pays sans tradition de centres de désintoxication. Le Vietnam est convoité par les fabricants étrangers comme Diageo, qui commercialise notamment le whisky Johnny Walker. Ces fabricants tentent de détourner les consommateurs vietnamiens de la bière vers des alcools plus forts, malgré l’interdiction de la publicité pour les boissons alcoolisées et leur forte taxation. « Bien sûr, nous voulons que les gens boivent de façon raisonnable », assure Stéphane Gripon, représentant de Diageo au Vietnam.

AFP

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