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« Blue for a Moment » : un hommage à Sven-Ake Johansson à Dudelange


Malgré ses 73 ans, Sven-Ake Johansson garde un esprit d'une rare jeunesse, explique le cinéaste Antoine Prum. (Photo : DR)

Avec Blue for a Moment, à découvrir demain à Opderschmelz en première mondiale, Antoine Prum rend un hommage appuyé à Sven-Ake Johansson et, à travers lui, à la musique improvisée.

Artiste plasticien devenu cinéaste, Antoine Prum est avant tout un grand passionné de musique et tout particulièrement de jazz et de musique improvisée. Il l’a déjà prouvé avec ses deux précédents documentaires : Sunny’s Time Now (2008), dédié au batteur américain Sunny Murray, et Taking the Dog for a Walk (2014) sur la scène des musiciens improvisateurs britanniques. Blue for a Moment clôt cette trilogie dédiée à la musique improvisée en s’intéressant au Suédois installé à Berlin Sven-Ake Johansson, compositeur, musicien, chanteur mais aussi poète et plasticien.

C’est en dehors de tout circuit normal qu’est présenté Blue for a Moment, le nouveau documentaire du cinéaste luxembourgeois Antoine Prum. Logique, le film, comme les précédents du réalisateur, n’a rien de normal, d’habituel, de standard! Avec Prum, le spectateur sait qu’il plonge dans un milieu artistique de niche, une scène musicale plus qu’underground, un monde étonnant.

Après avoir accompagné Sunny Murray dans Sunny’s Time Now, puis avoir plongé la tête la première dans la scène britannique de la musique improvisée dans Taking the Dog for a Walk, le cinéaste grand-ducal installé à Berlin depuis vingt ans s’arrête sur la vie et l’œuvre du Suédois Sven-Ake Johansson, installé comme lui dans la capitale allemande. «Je le connais depuis très longtemps, on est amis. C’est quelqu’un qui aime prendre l’initiative. Il a vu Sunny’s Time Now et m’a dit : « Ce ne serait pas une mauvaise idée que tu fasses un film sur moi. » J’ai trouvé ça formidable», raconte Antoine Prum quand on lui demande la genèse de ce nouveau projet. Et le voilà parti dans la présentation du personnage de ce troisième volet de sa trilogie de films consacrés à l’histoire de la musique improvisée.

Le caméléon Sven-Ake Johansson

«Dire de Sven-Ake Johansson qu’il est musicien revient à ne garder qu’une partie de son art, de ce qu’il fait. Il est percussionniste, mais il a aussi créé tout un personnage qui devient une espèce d’œuvre d’art totale. Il est musicien et chanteur, mais aussi écrivain, poète, dessinateur, il fait des performances… un artiste total qui, malgré ses 70 ans passés, garde une jeunesse d’esprit qui fait de lui quelqu’un d’extrêmement intéressant.» Et il poursuit : «C’est un caméléon, il change de style tout le temps. Tu penses l’avoir compris, il est déjà sur autre chose.» Et encore : «Il ne s’est jamais reposé sur d’éventuels lauriers, il a joué avec les punks dans les années 80, puis, après la chute du mur, il a participé au développement de la musique en temps réel, il a joué avec des groupes du début de la musique électronique allemande… et est toujours resté comme une sorte de figure tutélaire pour les jeunes générations d’artistes qui se sont succédé.»

Bref, un passionné passionnant! Et un bel exemple de ce que peut être la musique improvisée. «Un style confidentiel, très peu écouté, presque totalement absent des médias. Un milieu où les artistes ne font pas beaucoup d’argent, ce qui veut dire qu’ils ne le font que par passion.» Par conséquent, «un univers d’une extrême pureté, fascinant!», ajoute le cinéaste.

Un milieu artistique qui n’est pas sans rappeler celui dans lequel évolue le réalisateur, avec ses films de niche «où on ne fait pas non plus beaucoup d’argent», lance-t-il en riant! Un choix assumé pour cet ancien plasticien dont les œuvres commençaient à bien se vendre à la fin des années 90 et au début des années 2000 et qui a alors décidé de changer de registre, trouvant ce succès «suspect». Voilà qui vous pose un homme!

Si le monde présenté est donc on ne peut plus extravagant, pour ce Blue for a Moment, Antoine Prum a fait, au contraire, le choix de la sobriété formelle et propose un documentaire de facture «assez classique», annonce-t-il, avec un long entretien entre Johansson et un jeune musicien qui vient le voir dans son studio. Des scènes entrecoupées d’extraits de performances et de concerts où on peut voir Sven-Ake Johansson à l’œuvre, que ce soit en train de maltraiter sa voix, de faire cracher sa batterie ou encore de jouer sa «musica povera» avec des objets étonnants comme des concombres, du carton, du polyester ou encore – seule scène tournée en dehors de Berlin – des tracteurs!

Un film étonnant qui, bien que présentant un artiste suédois habitant en Allemagne, est une production entièrement luxembourgeoise. Normal donc qu’il soit présenté en première mondiale au Grand-Duché, demain à Opderschmelz. Un lieu qui se prête à merveille à cette soirée, le centre culturel de Dudelange ayant la particularité de posséder, sous le même toit, des salles de cinéma ad hoc et une salle de concert digne de ce nom.

Ainsi, après la projection, les responsables ont prévu un double concert avec deux projets de Sven-Ake Johansson, le duo Hudson Songs et le quartette Barcelona Series avec Rüdiger Carl. «Danielle (NDLR : Igniti, la directrice) ose vraiment proposer des choses différentes, qui sortent de l’ordinaire», note Antoine Prum. Reste à espérer que le public saura se montrer aussi curieux.

Pablo Chimienti

Opderschmelz – Dudelange. Demain à partir de 19 h.

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