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Berlinale : célébrités et remous politiques


Le film Black Tea, d’Abderrahmane Sissako, est l’un des représentants du continent africain à Berlin. Le film est coproduit au Luxembourg par Red Lion. (photo Red Lion)

La Berlinale accueille dès ce jeudi soir et pour dix jours son cortège de grands noms du cinéma, tout en cherchant un difficile équilibre politique. Deux coproductions représenteront le Luxembourg.

Premier grand rendez-vous cinématographique de l’année, la Berlinale déroule dès ce soir son tapis rouge dans la capitale allemande, qui verra défiler jusqu’au 25 février des personnalités incontournables du 7e art : Cillian Murphy, Martin Scorsese, Isabelle Huppert…  Mais l’actualité s’est déjà invitée à l’agenda d’un festival qui se veut un «lieu de dialogue et d’inclusion» dans un monde en proie aux conflits.

En cause, la décision d’annuler l’invitation faite à des élus du parti allemand d’extrême droite Alternative für Deutschland (AfD), alors que des centaines de milliers d’Allemands ont manifesté ces dernières semaines contre les idées radicales de cette formation.

La présence annoncée de l’AfD à la cérémonie d’ouverture, ce soir, avait suscité des protestations parmi les professionnels du cinéma allemand. La Berlinale en a pris acte, soulignant par le biais de son directeur artistique, Carlo Chatrian, son inquiétude face à «la montée de l’antisémitisme, du sentiment antimusulman, des discours de haine et d’autres attitudes antidémocratiques». L’AfD a dénoncé un geste d’«exclusion».

Plus largement, cette 74e Berlinale s’ouvre dans un contexte inflammable, après quatre mois de guerre au Proche-Orient. L’Allemagne a affiché un soutien résolu à Israël depuis l’attaque du 7 octobre 2023 menée par le Hamas sur le territoire israélien et la guerre d’Israël contre le mouvement islamiste qui a suivi dans la bande de Gaza.

Mi-janvier, une campagne de boycott a été lancée par plus d’un millier d’artistes – dont la prix Nobel de littérature française Annie Ernaux, la philosophe Judith Butler ou encore l’artiste et musicienne Laurie Anderson – contre les institutions culturelles allemandes, accusées de réprimer les voix palestiniennes. La Berlinale a assuré ne pas être touchée par ce boycott, alors que d’autres manifestations culturelles à Berlin ont connu des annulations.

Géopolitique, stars et blockbusters

Autant de sujets qui résonneront à l’écran, d’un film allemand en compétition sur la résistance au nazisme à une relecture du Rhinocéros d’Eugène Ionesco par Amos Gitaï, grande voix du cinéma israélien, avec Irène Jacob. «La place que prendra la géopolitique à la Berlinale sera une question cette année», confirme Scott Roxborough, correspondant du Hollywood Reporter.

Il estime que les directeurs de la Berlinale, Mariette Rissenbeek et Carlo Chatrian, qui quitteront cette année leur poste, le feront sans être parvenus à trouver l’équilibre entre «le cinéma politique ou d’art et d’essai et les blockbusters hollywoodiens», que Berlin peine à attirer à nouveau.

Le légendaire réalisateur américain Martin Scorsese n’en sera pas moins applaudi sur le tapis rouge. Le réalisateur de Taxi Driver (1976, Palme d’or au festival de Cannes) et Goodfellas (1990, Lion d’argent du meilleur réalisateur à Venise) se verra remettre un Ours d’or d’honneur pour sa carrière. Lui succèderont des acteurs stars, à commencer par l’Irlandais Cillian Murphy – favori des Oscars pour son rôle dans Oppenheimer –, à l’affiche du film d’ouverture, Small Things Like These, en compétition.

Sont aussi attendus Gael García Bernal, Rooney Mara, Isabelle Huppert ou encore Omar Sy, qui poursuit sa carrière internationale. Le fantasque Bruno Dumont fera son retour à Berlin avec L’Empire, un Star Wars version ch’ti, tandis que la Mosellane Claire Burger, remarquée à Cannes avec Party Girl (2014), y fait ses premiers pas en compétition avec Langue étrangère et son casting franco-allemand.

Focus sur l’Afrique

L’actrice mexicano-kényane Lupita Nyong’o présidera le jury, qui remettra l’Ours d’or le 24 février, parmi vingt films en compétition. Elle est la première personnalité noire à occuper ce poste à Berlin. La compétition du festival réservera en outre une place particulière au cinéma venu d’Afrique, un continent dont la cinématographie, en plein développement, est encore peu présente dans les grands festivals.

Ainsi, la Berlinale accueillera le réalisateur mauritanien Abderrahmane Sissako (lire encadré), la Franco-Sénégalaise Mati Diop (Dahomey, un documentaire sur la restitution des trésors royaux d’Abomey, au Bénin, pris lors de la colonisation française du pays) ou encore la cinéaste tunisienne Meryam Joobeur (Who Do I Belong To, premier film).

Behtash Sanaeeha et Maryam Moghaddam, réalisateurs iraniens de My Favourite Cake (l’histoire d’une femme qui, en vieillissant, sort de sa routine et rompt avec les restrictions imposées par une société profondément conservatrice), ont eux «été interdits de voyage, se sont vu confisquer leurs passeports et sont poursuivis par la justice pour leur travail d’artistes et de cinéastes», a annoncé la Berlinale par voie de communiqué.

Mariette Rissenbeek et Carlo Chatrian se sont dits «choqués et consternés» par ces informations, et ont appelé les autorités iraniennes à «rendre leurs passeports aux deux cinéastes et à faire cesser toutes les restrictions» qui les empêchent d’assister à la manifestation. Le film a été partiellement subventionné par la Berlinale, qui a une longue tradition de soutien aux cinéastes iraniens dissidents, tels que Jafar Panahi (Taxi, 2015) ou Mohamad Rasoulof (There Is No Evil, 2020), vainqueurs de l’Ours d’or.

Deux coproductions pour
représenter le Luxembourg

Un film en compétition officielle, un autre en lice pour le prix du jeune public : les coproductions Black Tea, d’Abderrahmane Sissako, et Fox and Hare Save the Forest, de Mascha Halberstad, porteront haut les couleurs du Luxembourg lors de cette 74e Berlinale.

Dix ans après le succès de Timbuktu (lauréat de sept César, dont ceux du meilleur film et de la meilleure réalisation), le cinéaste mauritanien Abderrahmane Sissako livre son cinquième long métrage avec Black Tea, une histoire d’amour dans la communauté africaine de Canton, en Chine, entre une jeune Ivoirienne et le patron d’une boutique d’export de thé. Le film, en lice pour l’Ours d’or, est coproduit par la société luxembourgeoise Red Lion et a vu travailler de nombreux techniciens du pays. La post-production du film a été réalisée en majorité au Grand-Duché.

Le film d’animation Fox and Hare Save the Forest sera pour sa part en compétition au sein de la section «Generation Kplus», un programme compétitif présentant un cinéma international de pointe pour jeune public. La coproduction a notamment été réalisée dans les studios de la société Doghouse, à Differdange, sollicitant l’intervention d’une cinquantaine de professionnels luxembourgeois de l’animation pendant près de deux ans. En outre, la musique du film a été composée par André Dziezuk.

Black Tea est attendu dans les salles luxembourgeoises le 6 mars. Abderrahmane Sissako présentera le film à l’Utopia, le 8 mars, dans le cadre du Luxembourg City Film Festival. Même jour, même lieu, Mascha Halberstad sera présente pour l’avant-première nationale de Fox and Hare Save the Forest, dont le doublage luxembourgeois vient d’être complété dans les studios de Jang Linster, à Frisange.

Les films en compétition

Small Things Like These, de Tim Mielants

Another End, de Piero Messina

Architecton, de Victor Kossakovsky

Black Tea, d’Abderrahmane Sissako

La cocina, d’Alonso Ruizpalacios

Dahomey, de Mati Diop

A Different Man, d’Aaron Schimberg

L’Empire, de Bruno Dumont

Gloria!, de Margherita Vicario

Hors du temps, d’Olivier Assayas

In Liebe, Eure Hilde, d’Andreas Dresen

My Favourite Cake, de Behtash Sanaeeha et Maryam Moghaddam

Langue étrangère, de Claire Burger

Mé el Aïn, de Meryam Joobeur

Pepe, de Nelson Carlos De Los Santos Arias

Shambhala, de Min Bahadur Bham

Sterben, de Matthias Glasner

Des Teufels Bad, de Severin Fiala et Veronika Franz

Vogter, de Gustav Moller

A Traveler’s Needs, de Hong Sang-soo

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