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[BD] «Zone de crise», la quarantaine délirante de Megg, Mogg & Owl


Les héros trash de Simon Hanselmann sont de retour, et confinés ! Avec Zone de crise, le dessinateur chronique l’année 2020 à travers le quotidien de ses protagonistes toujours avides de drogue, de sexe et… de liberté. Âmes sensibles s’abstenir.

En mars 2020, le monde entier entrait dans une période de confinement qui allait changer définitivement sa face. Et puis, dès les premiers jours du printemps, un autre virus a commencé à se propager sur internet : les «journaux de confinement», écrits par des auteurs ayant quitté les villes pour s’émerveiller d’une vie isolée à la campagne, par des anonymes soucieux de faire état d’un quotidien à l’avenir flou…

Tout était bon à prendre, et sous toutes les formes : écrite, dessinée, filmée… Mais quand le trublion de la bande dessinée Simon Hanselmann a commencé à publier sur son compte Instagram le récit de confinement de ses personnages cultes Megg, Mogg et Owl, il était évident que celui-ci n’allait ressembler à aucun autre.

C’est ainsi qu’arrive Zone de crise, septième ouvrage de l’auteur australien établi à Seattle. Courant sur près de 300 pages, le livre regroupe l’intégrale des «strips» mis en ligne quasi quotidiennement sur Instagram entre le 13 mars et le 22 décembre 2020 (avec une «scène post-générique» où l’on retrouve les protagonistes début 2021).

Alors, Simon Hanselmann a-t-il lui aussi succombé à la supposée nécessité de raconter cette époque étrange? Oui et non. Comme il l’explique dans le long commentaire qui clôt Zone de crise, l’année 2020 devait être celle de tous les projets : de nombreux voyages, des expositions, la sortie d’un recueil (Long Story Short) et, surtout, un nouvel opus de Megg, Mogg & Owl, qui devait être la suite directe du triste Winter Trauma (2019).

Mais avec les annulations ou les reports de ces derniers, le dessinateur s’est lancé dans la plus urgente des entreprises : faire un large stock de papier toilette et raconter la rencontre de l’univers trash et délirant de ses personnages avec l’ère covid. Quand le monde tout entier part en vrille, l’auteur se fend même, pour la première fois, d’un commentaire acerbe sur les travers de la société américaine, largement accentués par la pandémie.

On retrouve donc la sorcière-junkie dépressive Megg, son petit ami, le chat tout aussi drogué Mogg, et leur colocataire coincé, le hibou Owl, dans leur maison de Seattle au jour de l’annonce d’un confinement sur tout le territoire américain. Première réaction de Megg : «Ma précommande d’Animal Crossing! Si elle arrive en retard à cause de cette merde, je me suicide !»

Il faut dire que les personnages, sans emploi et habituellement trop défoncés pour sortir de chez eux (sauf à aller se ravitailler en denrées «essentielles», selon le vocabulaire de l’époque, dont aucune n’est légale), sont familiers du confinement.

Mais la période devient un enfer pour eux aussi, lorsqu’ils voient débarquer sans attendre leur encombrante bande de potes, réserves de papier toilette à la main : Werewolf Jones, leur dealer, et ses deux insupportables gamins, la croquemitaine transgenre Booger, ou encore le magicien Mike, accompagné de sa mère… malade du covid.

Dans cette chronique salement hilarante, pratiquement écrite et publiée en temps réel, Hanselmann se fait l’observateur de la société américaine, avec une préférence pour ce qu’elle a de pire. Werewolf Jones amène de l’argent au foyer en testant des sextoys anormalement gros sur OnlyFans, un succès qui fera de lui la star d’un documentaire Netflix.

égoûtant ? Sûrement. Mais est-ce moins acceptable que les absurdités et les évènements révoltants dont l’Amérique a été témoin pendant qu’elle vivait en isolement? Simon Hanselmann les mentionne tous et n’en oublie (presque) aucun : les morts de Breonna Taylor et George Floyd dues aux violences policières, les mouvements réactionnaires nés en opposition à Black Lives Matter, les théories du complot autour du covid…

Le tout sous le trait de crayon rapide et l’humour ravageur de l’auteur, qui montre, au détour d’une case, le magicien Mike, devenu Jennifer après sa transition de genre, brûler toute sa collection Harry Potter en réaction aux propos transphobes tenus par J. K. Rowling.

Loin d’être un grand récit de l’isolement, Zone de crise est aussi largement généreux en scènes d’action, riche aussi d’une bonne dose de violence libératrice, qui apporte du fun là où tout le monde s’est refusé à en injecter. Prix Eisner 2021 du meilleur «webcomic», il arrive enfin en version reliée et dans sa traduction française, avec une surprise : Simon Hanselmann a quitté son éditeur français de toujours, l’indépendant Misma, pour rejoindre Dupuis. En espérant que dans la cour des grands, cet éternel provocateur continue d’être chouchouté comme il se doit.

Zone de crise,

de Simon Hanselmann. Dupuis.

L’histoire

Durant l’année 2020, les célèbres marginaux de Simon Hanselmann ont vécu la pandémie du covid-19, victimes d’une situation qui s’enlisait au-delà des prévisions les plus pessimistes.

Megg fuit la réalité dans le jeu vidéo Animal Crossing, Mogg sombre dans les théories du complot, Owl se montre capable de surmonter sa timidité pour s’ériger en véritable chef de la maison. Quant à Werewolf Jones, il devient la nouvelle sensation de Netflix!

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