Le Franco-Syrien Riad Sattouf, auteur de « L’Arabe du futur », a remporté mercredi le Grand Prix au Festival d’Angoulême, plus haute récompense du monde de la bande dessinée.
Le dessinateur de 44 ans, élu par ses pairs auteurs de BD à l’occasion de la 50e édition du célèbre festival, a reçu la distinction lors de la cérémonie d’ouverture au Théâtre d’Angoulême. « C’est très impressionnant », a-t-il déclaré après une ovation debout.
Il a rendu hommage à sa grand-mère maternelle, celle qui a cru en son talent la première. « J’ai voulu faire une bande dessinée en imaginant qu’elle voudrait la lire, elle qui n’aimait pas ça », a expliqué le dessinateur au sujet de « L’Arabe du futur ». « Je suis profondément honoré et ému (…) C’est la pièce maîtresse qui manquait en haut de la pyramide de mon ego », a-t-il lancé. « Faites des livres, et encore des livres. D’ailleurs c’est ce que je vais faire moi aussi ». Riad Sattouf a devancé deux femmes.
Pour la Française Catherine Meurisse, c’est la quatrième fois consécutive qu’elle est battue en finale. Elle peut se consoler avec son entrée à l’Académie des Beaux-Arts en novembre. L’Américaine Alison Bechdel avait quant à elle reçu une forme de reconnaissance, moins visible mais plus rare, quand « Les Secrets de la force surhumaine » avait été retenu par le prix Médicis dans sa première sélection en littérature étrangère en septembre.
Difficile de rivaliser avec la cote d’amour dont bénéficie Riad Sattouf au sein du milieu de la BD. Et sa légitimité artistique ne fait de doute pour personne. « L’Arabe du futur », sa série autobiographique en six tomes, s’est vendue à plus de trois millions d’exemplaires dans le monde. Mais il a également connu des succès éclatants avec « Les Cahiers d’Esther » ou encore « Le Jeune Acteur ».
« Avenir » et « menace »
Le Grand Prix de la Ville d’Angoulême est remis depuis 1974, avec à son palmarès tous les grands noms de la bande dessinée, particulièrement franco-belge. Celui-ci ne s’est que peu ouvert aux autres continents, en primant quelques auteurs venus des États-Unis et du Japon, malgré la forte tradition de bande dessinée dans ces pays.
En 2022, c’est la Canadienne Julie Doucet qui avait été récompensée. Comme le veut la tradition, elle a remis le Grand Prix à son successeur, et une exposition lui est consacrée lors de ce Festival. La ministre de la Culture Rima Abdul Malak, franco-libanaise, était présente à la cérémonie.
« Le Festival d’Angoulême a de l’avenir », a affirmé son directeur Franck Bondoux sur scène. « Néanmoins comment ne pas évoquer les décennies passées à l’occasion de cette 50e édition? La bande dessinée a beaucoup évolué depuis sa création en 1974 », a-t-il ajouté. « La menace d’une disparition immédiate du Festival peut sembler dépassée (…) Cependant les choses ne sont pas si simples. On attend beaucoup des grands événements culturels », a-t-il estimé.
Alors qu’il allait appeler sur scène le créateur du Festival Francis Groux, M. Bondoux a eu de grandes difficultés à terminer son discours, étranglé par les pleurs après des moments difficiles pour l’organisation. En difficulté économique, le Festival a par ailleurs dû annuler une exposition consacrée à l’auteur Bastien Vivès, contesté pour des propos misogynes passés et des oeuvres mêlant mineurs et pornographie.
Le Festival accueille les meilleures années près de 200.000 visiteurs, mais doit se relancer après une édition 2021 annulée, et une édition 2022 qui avait eu moins de succès en étant reportée en mars.