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[BD] Krosoczka : une vie sans mère, mais heureuse


Avec son nouvel album, «Une touche de couleur», Jarrett J. Krosoczka nous livre 320 pages de bonheur de lecture.

L’auteur américain Jarrett J. Krosoczka a mis Une touche de couleur dans sa vie, en la racontant en BD. Un roman (autobio)graphique aussi sincère que léger sur son enfance passée avec ses grands-parents.

«Pour grand-mère et grand-père, les meilleurs parents dont un enfant puisse rêver». C’est par ces mots que Jarrett J. Krosoczka dédiait, en 2001, son premier album Good Night, Monkey Boy, à ceux qui l’ont élevé : Joe et Shirley.

Avec Une touche de couleur – sorti en anglais en 2018, sous le titre Hey, Kiddo, lauréat du prix Harvey du livre de l’année, et désormais disponible en version française chez Delcourt –, l’auteur de Punk Farm, Lunch Lady ou encore Star Wars Jedi Academy, fait bien plus que simplement leur dédier le livre, il leur rend hommage tout au long de ces 320 pages. Car après plus de 15 ans à écrire et dessiner des récits de fantaisie, il a décidé, à l’aube de la quarantaine, de se raconter, lui. Son enfance et son adolescence en tout cas. Mais pour cela, impossible, pour le natif de Worcester dans le Massachusetts, de ne pas parler, avant, de ses ancêtres.

Ce n’est donc pas pour rien que le récit débute dans un cimetière. Un de ces cimetières nord-américains, immenses, verdoyants, où l’on peut rouler en voiture pour se rendre au plus près des tombeaux de ses défunts. C’est là, dans le paisible Hope Cemetery, que Joe propose au jeune Jarrett de prendre le volant pour la première fois, pour s’entraîner avant de passer son permis. Une petite balade avant de s’arrêter devant la tombe d’Anna et Joseph, les arrière-grands-parents de l’auteur.

Une histoire qui remonte loin

Car oui, en racontant son histoire, Jarrett J. Krosoczka raconte aussi, par ricochet, celle de toute sa famille. Et si l’artiste n’est né qu’en décembre 1977, il remonte dans le temps jusqu’aux années 40, en pleine guerre mondiale, quand ses futurs grands-parents, encore lycéens, se sont rencontrés, plu et ont décidé de sortir ensemble. Cela même si Joe avait un an de moins que Shirley ou encore si sa famille à lui était issue d’immigrés polonais catholiques, tandis que la sienne, à elle, de Suédois protestants. À l’époque, c’était le genre de détails qui pouvaient faire capoter une histoire d’amour!

Le couple n’a pas beaucoup d’argent, Joe se démène pour nourrir la famille, avec de petits boulots, quelques bonnes idées et finira par ouvrir sa propre entreprise. De quoi donner à manger à ses cinq enfants. Parmi eux, Leslie, la future mère de Jarrett.

Krosoczka semble ne rien cacher à ses lecteurs

Une fille aux talents artistiques indéniables – dont héritera l’auteur – mais rebelle. Elle aime sortir, collectionne les amants et découvre, bien trop rapidement, l’héroïne. Jarrett sera le fruit inattendu d’une histoire d’un soir entre la jeune fille et un musicien, dont l’auteur ignorera longtemps le nom. L’homme a refusé de reconnaître l’enfant. Et Leslie, malgré le petit, a replongé dans la drogue. Malgré les nombreuses cures et les passages en prison, elle n’arrivera jamais vraiment à décrocher de sa dépendance à l’héro. Ce n’est pas pour rien que l’album porte en sous-titre : «Comment j’ai perdu ma mère. Trouvé mon père. Et fait face aux addictions de mes parents».

Jarrett sera donc élevé par ses grands-parents. Enfin, officiellement, seulement par Joe. Leslie ayant refusé de faire de sa propre mère la tutrice légale de son fils, à cause de leur relation compliquée, mais aussi d’un certain penchant de sa génitrice pour l’alcool.

Confidence après confidence, le lecteur finit par tout savoir (ou presque) sur la famille Krosoczka : les disputes des grands-parents, les grossesses, pas toujours désirées, des tantes, les difficiles relations entre sa mère et les hommes… mais aussi les vacances à Disney World, les fêtes de Noël, la gentillesse de ce grand-père qui a tout fait pour protéger son petit-fils des aléas de la vie… le tout, toujours, à travers le regard d’enfant de Jarrett.

Une vie pourtant mal partie

Et dans cet exercice de raconter la vérité, l’auteur ne se donne pas non plus la part belle. Il n’essaye pas d’enjoliver les choses ni de se donner nécessairement le beau rôle. Il parle aussi de ses cauchemars, de ses colères, de ses mensonges… Rien, Jarrett J. Krosoczka ne semble vraiment rien cacher à ses lecteurs.

Mais on sent qu’il n’y a aucunement là envie de vengeance ou de balancer… au contraire, juste un besoin de sincérité, de mémoire presque. Une manière de raconter avec le recul, et une certaine légèreté, une jeunesse hors norme. Un début de vie qui aurait pu compromettre sa vie d’adulte mais qui, grâce à quelques amis sincères, à sa passion pour le dessin ainsi qu’à un amour sans faille de la part de ses grands-parents a «fait de moi ce que je suis aujourd’hui», conclut l’auteur dans ses notes à la fin de ce livre.

Un récit personnel donc, mais à portée universelle, sur l’addiction aux drogues par exemple, sur les familles hors norme aussi, ou encore sur la réussite personnelle… Le tout raconté dans un style graphique particulier, aux planches variables, coloriées à l’aquarelle, aux cases sans cadre, aux contours un peu flous… comme dans un souvenir. Les décors sont simples, mais les personnages très expressifs.

Bref, Une touche de couleur pour 320 pages de bonheur de lecture!

Pablo Chimienti

Une touche de couleur, de Jarrett J. Krosoczka. Delcourt.

 

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