Prenez votre gousse d’ail, un crucifix, un pieu (ça peut servir) et un flingue avec des balles en argent, toujours utiles en ces circonstances. Car il s’agit ici de suivre la trace du ténébreux Mike Mignola, star de la BD américaine, notamment pour avoir inventé le personnage d’Hellboy, mi-homme, mi-démon, sorte de gros costaud rouge de colère, pointilleux sur l’esthétisme de ses cornes et ennemi, au passage, des forces paranormales.
À son actif, notons aussi le franc clin d’œil adressé à un réalisateur qu’il aime, Francis Ford Coppola, auquel il a emprunté le Dracula pour en faire son adaptation papier en 1993, ressortie l’année dernière dans une édition couleur «remastérisée». D’ailleurs, depuis, Mike Mignola est resté fidèle aux charmes de l’occulte, proposant depuis plus de 25 ans des récits fantastiques s’inspirant du folklore de presque toutes les cultures existantes.
Celle qui nous intéresse, elle, vient des Carpates, à la fin du XIXe siècle, avec ce désormais légendaire comte noctambule et amateur de sang frais sorti de l’imagination du Britannique Bram Stoker en 1897. D’ailleurs, preuve que les mythes ont la peau dure (et les dents longues) : Dracula a reçu un double hommage, toujours en 2019, avec son entrée dans La Pléiade et grâce à la superbe BD signée Georges Bess.
Bref, de Druillet à Hermann, en passant par Crepax, la figure du vampire a inspiré de nombreux auteurs, et c’est toujours le cas avec ces Rencontres maléfiques, qui suivent, comme c’est indiqué dans le sous-titre, les «mésaventures» d’un professeur, J. T. Meinhardt, et de son assistant, M. Knox. Loin d’être des bras cassés, le duo semble toutefois plus porté par la chance que par sa réelle expertise.
Un graphisme qui lorgne du côté des codes européens
D’ailleurs, pour démarrer l’histoire, le premier se fait réveiller dans son sommeil par une créature malfaisante (alors qu’il rêvait de «choux et de lapins»). Ne pas être sur ses gardes en pleine nuit, c’est quand même un comble pour un chasseur de vampires ! C’est une évidence, mais pour une nouvelle fois mettre sur le tapis l’histoire de Dracula et sa clique de monstres (loups-garous, démons, goules…), déjà resucée maintes et maintes fois par le théâtre et le cinéma, il faut savoir varier le ton et les humeurs. En somme, apporter du sang neuf !
C’est ce que fait cet ouvrage, en usant de plusieurs astuces : d’abord, donc, avec ses personnages, sympathiques et un brin bancals, entêtés dans leur quête fantasmatique à laquelle se joindra, plus tard, une certaine Mary Van Sloan, au caractère bien trempé. Ensuite, avec une ouverture généreuse vers le genre «horreur gothique», dégageant alors plus de possibilités en termes de scénario. Enfin, et surtout, avec la présence remarquée de l’illustrateur Warwick Johnson-Cadwell.
Avec lui, on est loin de l’imagerie des comics. Son graphisme, en effet, lorgne plutôt du côté des codes européens, avec de petits êtres à la bonne trogne, et des fidèles de Satan qui trouveraient une filiation avec la saga Donjon (et notamment Joann Sfar). Et comme dans cette dernière référence, l’obscurité va souvent de pair avec l’humour. Oui, ça saigne, mais ça fait aussi rire.
Des récits pas si terrifiants, et attachants, avec leur lot de chauves-souris et de cercueils ambulants, que se partagent même les deux auteurs. Mike Mignola, lui, s’est chargé de la première, laissant toutes les cartes à Warwick Johnson-Cadwell pour la seconde qui, au scénario comme au dessin, arrive à relever le challenge, en souffrant certes un peu en chemin. Disons que c’est sympathique de partager. Et puis, devant la variété d’idées entourant la mythologie des vampires, autant en faire profiter d’autres.
Grégory Cimatti
Rencontres maléfiques, de Mike Mignola et Warwick Johnson-Cadwell. Delcourt.
L’histoire
Le Pr J. T. Meinhardt et son fidèle assistant, M. Knox, sont des chasseurs de monstres : vampires, loups garous et autres goules ! Ils n’ont qu’à bien se tenir. La seule chose dont nos deux héros soient certains, c’est que peu de choses sont en réalité ce qu’elles semblent être…