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[Bande-dessinée] Sermilik : Max au pays des glaces


Après L’Oasis, l’une des belles réussites de 2020 dans laquelle il décrivait son apprentissage de jardinier amateur, Simon Hureau change de cadre et suit le destin hors-norme de Max Audibert, jeune Marseillais devenu chasseur de phoques!

Pour Simon Hureau, atteindre ses rêves n’est pas une utopie, à condition toutefois de respecter quelques principes : avoir le goût de l’effort, savoir se remettre en question et rester humble. Déjà en 2020, avec L’Oasis, l’auteur racontait comment il s’était posé dans le Val de Loire, en pleine campagne, afin d’y cultiver un jardin selon les principes de la biodiversité. Ainsi, partant d’un «vague espace extérieur», il en a fait un havre de verdure où la faune et la flore se plaisent. Un acharnement, un entrain et de nombreuses tentatives instinctives que l’on retrouve dans son tout nouveau livre qui change radicalement de décor : de l’îlot vert, on bascule dans celui tout blanc d’un fjord du Groenland, le Sermilik, endroit où, comme le dit le sous-titre, «naissent les glaces».

On ne sait pas trop pourquoi Max Audibert a décidé subitement de s’y installer pour devenir chasseur. Une envie, comme le pose l’ouvrage, qui lui traverse simplement la tête dans une librairie alors qu’il a vingt ans (dans les années 80) et un avenir tout tracé : il vient d’intégrer l’école du Service de santé des armées et il sera médecin. Lui, le «minot» marseillais, en pleine banquise? Pour son entourage, c’est une idée folle! Mais poussé par la force de son rêve, il abandonne tout et s’installe à Tiniteqilaak, village de 80 habitants, sûrement l’un des endroits les plus inhospitaliers de la planète. Comme le dit un corbeau passant dans le ciel, «ici, on vit parce qu’on y est né… sauf exception!». C’est ce destin à part que raconte Simon Hureau qui, comme le montrent des photos en fin d’ouvrage, s’est rendu sur place pour rencontrer cet aventurier.

Donnez-moi l’hiver, donnez-moi des chiens et vous pouvez garder tout le reste!

Dans des allers-retours chronologiques, Sermilik suit donc à la trace la vie de Max, qu’il doit totalement réapprendre : il faut déjà se familiariser avec une nouvelle langue. Au vocabulaire de l’exilé, une seule phrase, mais essentielle : «Je veux vivre comme un chasseur!». Après vient le temps de la formation avec les anciens : il s’initie à la chasse et à la pêche, apprend à se méfier du blizzard et de la neige, à maîtriser la conduite de traîneau et la navigation en kayak… Dans la foulée, il se marie et adopte deux enfants. Bref, il prend racine sur cette terre en adoptant le mode de vie des autochtones. Une existence qui ne tient pourtant qu’à un fil dans cet univers de glace où le moindre faux pas peut-être fatal. La nature, certes envoûtante, y est dangereuse : il y a ce vent qui fige littéralement au sol (le Piterak), ce raz-de-marée meurtrier qui arrive quand les icebergs se rompent (le Tinimilaarpoq) et d’autres dangers propres à ce petit bout du monde. Max Audibert, devenu alorsl’«Inuit blanc» pour les locaux, va aussi voir la petite communauté s’ouvrir sur le monde extérieur. Les traditions se perdent, notamment auprès des plus jeunes qui se tournent vers le système scolaire du Danemark ou de la côte ouest, sans oublier l’arrivée des produits occidentaux (canots à moteur, télévision, internet…), comme le précise dans la préface Joëlle Robert-Lamblin, directrice de recherche au CNRS (Centre national de la recherche scientifique) et co-auteure avec Paul-Émile Victor de  La Civilisation du phoque. Des changements profonds qui ne l’épargneront pas : la chasse traditionnelle n’étant plus assez rentable, il se tourne un temps vers la profession de guide touristique avant de devenir instituteur dans son village. À son tour, il raconte et enseigne aux enfants la vie d’avant…

Sermilik, porté par de belles aquarelles, est à voir comme une leçon de vie : car derrière ce «rêve fou» devenu réalité et les joies comme les drames qui se nouent au cœur de la communauté, il y a une histoire qui parle de la rencontre des autres, de soi-même, et réfléchit au sens de l’identité culturelle et à la modernité. Un album à hauteur d’homme (même si les animaux ont aussi la parole) qui, seul bémol, n’aborde à aucun moment la crise écologique. Ça ne gâche en rien un récit savoureux au goût d’évasion qui, ce n’est pas de trop, apporte une fraîcheur bienvenue en cet été caniculaire.

Sermilikde Simon Hureau.
Dargaud.

L’histoire

À 18 ans, Max a décidé de quitter Marseille pour s’installer sur la côte est du Groenland. Dans le village isolé de Tiniteqilaaq, où il habite depuis trente ans, il a appris des Inuits leur mode de vie particulièrement rude, à l’aune d’une nature aussi magnifique qu’impitoyable. Un parcours quasi initiatique, fait de moments intimes ou épiques, dont Max a confié le récit à Simon Hureau.

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