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[Bande-dessinée] Raspoutine, l’homme derrière la légende


Moine défroqué, guérisseur, bienfaiteur, conseiller particulier de l’empire, homme à femmes… Raspoutine, figure mythique de la Russie du début du XXe siècle, était tout ça à la fois. Une complexité décortiquée par deux auteurs espagnols.

Beaucoup de choses ont été dites et écrites sur Raspoutine, de son vrai nom Grigori Efimovitch (1869-1916). Chantées même, si l’on s’en réfère au tube du groupe Boney M qui racontait déjà, sur des pulsations dico et des airs turcs, toutes les contradictions qui définissent le personnage. «Il était grand et fort / Et dans ses yeux brillait une lueur flamboyante / La plupart des gens le regardaient avec terreur et peur / Mais pour les beautés de Moscou, c’était un amour!» En quelques mots, la chanson résume le mythe qui hante les mémoires collectives : celui d’un prêcheur flamboyant, adoré des femmes et mort sauvagement assassiné.

La BD, pour sa part, s’est aussi entichée de la réputation de l’homme, comme le prouvent des propositions hétéroclites : façon roman d’espionnage pour Petrograd (2013), science-fiction pour Arale (2018), en mode manga pour la série Le Patriote (lancée en 2010, toujours en cours) et historique pour le triptyque Raspoutine (2006-2008). Au bout toutefois, une même interrogation subsiste : mais qui était-il vraiment? Une figure complexe que se proposent, ce coup-ci, de décortiquer deux auteurs espagnols, Hernan Migoya (scénario) et Manolo Carot (dessin), qui évitent de s’étendre et se cristallisent sur son déclin.

On est alors en 1916, année charnière où la Russie connaît une période de fortes agitations : il y a les affres de la Première Guerre mondiale, la misère qui affame le peuple, l’empire qui chancèle sur ses bases et l’antisémitisme qui pousse comme de la mauvaise herbe… Le tout annonçant les prémices de la révolution de 1917. Au milieu de ce remue-ménage, il y a Raspoutine, fils de paysans de Sibérie devenu inévitable. Côté religion, de nombreux évêques lui sont fidèles. Côté politique, depuis le départ du tsar Nicolas II pour le front, il a les mains libres pour manœuvrer discrètement au cœur de l’empire et obtenir des postes à ses soutiens.

Oui, il est devenu nuisible. L’aristocratie, la droite nationaliste (qui lui reproche sa sympathie pour les Allemands et les Juifs), l’Église orthodoxe («jalouse» de son influence) et même l’allié anglais (opposé à son antimilitarisme) veulent voir tomber ce fanatique idolâtré, qu’ils aiment à appeler «rat», «vicieux» ou «flagellant». Une conjuration menée par le prince Youssoupov se prépare alors dans l’ombre, mais pour l’heure, la tsarine Alexandra, dévouée à son conseiller spirituel (qui a sauvé son fils, seul héritier du pouvoir), ne voit pas le danger. Elle présente même ses quatre belles filles à Raspoutine et les place sous sa haute protection bienfaitrice. C’en est trop pour le tsar! La chute de Raspoutine est proche. Mais bientôt, c’est toute la Russie tsariste qui va sombrer…

«La chute d’un homme, la naissance d’un mythe!» : voilà comment Glénat définit cette histoire, idée appuyée par les deux auteurs qui débutent leur récit en 2016 par une visite au musée de l’Érotisme de Saint-Pétersbourg, dont l’attraction principale est… le phallus de Raspoutine, attribut énorme qui provoque le dégoût autant qu’il impressionne. Une manière de poser le cadre et l’ambivalence du personnage, coincé entre folie et sagesse, pacifisme et violence, désirs charnels et aspirations spirituelles. Mysticisme et sensualité se mêlent en effet pour dépeindre cette ambiance de fin de règne, symbolisée par une jeune fille, Alissa Zinovievna (qui deviendra Ayn Rand, célèbre auteure et philosophe russe), la seule à douter de ses pouvoirs surnaturels et à lui tenir tête.

Dans ce one-shot romancé, Hernan Migoya dresse un portrait qui cherche à distinguer l’homme de la légende, et ce, sans forcément toujours y parvenir (tel John Wick, Raspoutine tient encore debout après un empoisonnement et plusieurs balles dans la peau). Avec un récit voulu condensé (qui court sur à peine plus de 60 pages), il lui a aussi manqué de la place pour tout dire, et c’est au chausse-pied qu’il rentre son texte, prolixe. Un bavardage qui ne gâche pas le superbe dessin de Manolo Carot, illustration aux traits expressifs et aux couleurs franches. Tout à l’honneur de Raspoutine, dont on n’a toujours pas fini, malgré l’effort, de cerner tout le mystère.

Une révolution nommée Raspoutine,
d’Hernan Migoya et Manolo Carot.
Glénat.

La chute d’un homme, la naissance d’un mythe!

L’histoire

Au cours de l’hiver 1916, dans une Russie en pleine guerre, un homme étend de plus en plus son influence sur la famille royale : l’énigmatique Raspoutine. Homme de confiance de la tsarine Alexandra, celui que l’on surnomme le «Moine Fou» s’est déjà fait une sacrée réputation en raison de ses prétendus miracles et de ses penchants dépravés. Il continue d’accueillir et de soigner les plus démunis dans sa résidence de Saint-Pétersbourg. C’est au cours d’une de ces séances qu’il va recevoir une jeune fille, Alissa…

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