Pour les fans du manga Berserk, l’annonce de la mort de son créateur, Kentaro Miura, signait la triste fin d’une série culte. Mais après son dernier tome, qui paraît en français, elle va renaître, sans garantie de connaître le même succès.
Quand l’auteur japonais a succombé à une dissection aortique en mai 2021, à l’âge de 54 ans, il a fallu faire le deuil de sa saga de «dark fantasy». Il laissait inachevée la quête vengeresse entamée en 1989 par son héros, Guts, guerrier solitaire traqué par des forces démoniaques. Pour toujours ? «On a posé la question à l’éditeur japonais Hakusensha de la suite de la série et on nous avait répondu qu’aucune décision n’avait été prise», confie Satoko Inaba, directrice éditoriale de Glénat Manga, l’éditeur français du manga.
La semaine dernière est paru en France le 41e volume, le dernier signé Kentaro Miura. Mais, fin juin, le manga a fait son retour au Japon dans le magazine Young Animal. Ce redémarrage, grâce aux assistants du mangaka rassemblés au sein du Studio Gaga, n’avait été annoncé que quelques semaines auparavant par l’éditeur. «Kentaro Miura avait raconté, de son vivant, de nouvelles histoires et de nouveaux épisodes de Berserk à Koji Mori, son meilleur ami et lui aussi dessinateur de manga, ainsi qu’à son équipe de l’atelier et à son éditeur», expliquait-il dans un communiqué publié en japonais, anglais, français et chinois.
Les 40 premiers tomes totalisent plus de 50 millions d’exemplaires vendus dans le monde. En 1999, «le manga bénéficiait déjà d’une visibilité internationale, car la série était publiée dans plusieurs pays différents», raconte Walter Bennet, fondateur du site skullknight.net, qui rassemble les fans anglophones. Depuis plus de vingt ans, les passionnés y débattent des relations conflictuelles entre Guts et ses anciens compagnons d’armes, le ténébreux Griffith et l’impulsive Casca, tout en élaborant des théories sur les nombreux mystères de cette intrigue.
Un «signe de respect posthume»
Si Satoko Inaba, chez Glénat, est «plutôt confiante sur la capacité graphique» du Studio Gaga à poursuivre la saga, la reprise de Berserk n’a, à ce stade, pas totalement convaincu Walter Bennet. «Les deux premiers chapitres ne m’ont pas vraiment marqué. Ils m’ont fait réaliser avec encore plus de clarté à quel point le talent de Miura était rare, que ce soit dans le dessin, le découpage, la composition des scènes ou les dialogues», juge ce fan américain.
Le rendu très fin des dessins de Miura lui a permis, au cours de ses trois décennies de travail, de donner vie au vaste bestiaire peuplant cet univers médiéval et fantastique. Ses compositions rappellent des classiques de la gravure, comme Gustave Doré. La violence graphique des combats menés par Guts à l’aide de sa gigantesque épée a également contribué à la renommée de cette épopée. Adaptée en séries animées, en films d’animation ou encore en jeux vidéo, elle a influencé plusieurs succès sur console, comme Demon’s Souls, Dark Souls ou encore Elden Ring.
«Le trait de Miura s’est développé au fur et à mesure pour devenir une œuvre d’art. Dans ses dernières pages, c’est époustouflant !», estime Satoko Inaba. Glénat Manga conçoit comme un «signe de respect posthume» à l’ambition de l’auteur le fait de proposer le volume 41 en édition grand format, bien plus chère que les mangas habituels, de poche. Au-delà de son esthétique, Berserk a su s’imposer comme un classique par la richesse du scénario. «L’horizon de la série s’est agrandi, de la quête d’un guerrier solitaire à un groupe de personnages dont les différents objectifs s’entremêlent», estime Walter Bennet. «Au fil des années, on s’est rendu compte qu’on était en train de suivre, chapitre après chapitre, l’écriture d’un récit mythique.»
Berserk (t. 41), de Kentaro Miura. Glénat.
Au fil des années, on s’est rendu compte qu’on était en train de suivre l’écriture d’un récit mythique
L’histoire
Dans un monde médiéval et fantastique erre un guerrier solitaire nommé Guts, décidé à être seul maître de son destin. Autrefois contraint à rejoindre les Faucons, une troupe de mercenaires dirigés par Griffith, Guts fut acteur de nombreux combats sanglants et témoin de sombres intrigues politiques. Mais il réalisa que la fatalité n’existe pas et qu’il pouvait reprendre sa liberté. S’il le désirait vraiment…