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Aux Pays-Bas, les fléchettes font mouche !


(Photo : afp)

Les fléchettes sont devenues un phénomène à la mode, avec ses ambiances survoltées et ses stars bedonnantes. Aux Pays-Bas, leur popularité, plus ancienne, ne s’est elle jamais démentie. Prise de pouls sur place.

L’arène tremble sous les sauts de joie des milliers de supporters néerlandais drapés d’orange, scandant le nom de leur joueur préféré. Le spectacle sous leurs yeux n’est pas un match de l’Ajax Amsterdam ou de l’équipe de football néerlandaise. Mais des fléchettes! La discipline parfois ridiculisée, que certains disent destinée à des piliers de bars britanniques, est très populaire aux Pays-Bas. La plupart des bars ont d’ailleurs des cibles au mur, la couverture télévisée est presque exhaustive et les exploits des stars néerlandaises font la une des journaux.

Plus de 12 000 supporters ont rempli jeudi dernier l’arène Rotterdam Ahoy, où Michael van Gerwen (dit «MvG»), véritable héros national, concourait en Premier League, qui oppose les huit meilleurs joueurs du monde. Les fans, quelque peu éméchés, affichaient une excitation maximale à chaque fois que les joueurs marquaient le maximum de 180 points. Le chant «Debout si vous aimez les fléchettes» a ponctué la soirée, faisant mouche à tous les coups. Le sol a tremblé lorsque «MvG» est monté sur scène, portant sa chemise vert vif caractéristique. Tous ses lancers ont suscité un tonnerre d’applaudissements. Ce qui ne l’a pas empêché de perdre contre le Britannique Luke Humphries, numéro un mondial.

La popularité des fléchettes aux Pays-Bas s’explique en trois mots : Raymond van Barneveld. Cet ancien facteur originaire de La Haye, aujourd’hui âgé de 57 ans, est l’un des meilleurs joueurs de tous les temps.  En 1998, «Barney» a été le premier Néerlandais à remporter un championnat du monde, le premier des cinq titres mondiaux de sa carrière. Sa finale en 2007 contre le Britannique Phil Taylor, remportée 7-6 par le Néerlandais, est considérée comme le meilleur match jamais joué. Cette victoire de 1998 sur le site emblématique de Lakeside dans le Surrey anglais a popularisé le sport aux Pays-Bas et brisé le monopole des champions britanniques, ouvrant la discipline à l’international.

«C’était incroyable!», déclare-t-il dans son bureau, un trésor de souvenirs de fléchettes, de trophées et de photos de championnat décorant chaque mur sauf un, tapissé de cibles d’entraînement.  «Les chiffres d’audience de la télévision étaient fous. Certains me disaient qu’il y avait plus de cinq millions de téléspectateurs. À l’époque, nous n’avions que quinze millions d’habitants aux Pays-Bas», ajoute-t-il. «Quand je suis arrivé à l’aéroport Schiphol d’Amsterdam, c’était comme si les Beatles arrivaient! J’étais stupéfait», se souvient-il.

Raymond van Barneveld est sorti d’une brève retraite et tente aujourd’hui de remonter dans le classement. Même s’il est désormais loin du top 8 mondial, l’«Armée Barney» qui l’a soutenu aux quatre coins de la planète était présente à Rotterdam la semaine dernière, faisant résonner son nom dans l’arène. La frénésie des fléchettes s’est également emparée des pubs néerlandais. Au Bar Club 188 de La Haye, les joueurs de l’équipe «188 Eurobangers» s’échauffent pour leur affrontement sous haute tension de division 3 contre les «Half Moon Cafe Wrecking Balls».

Quand vous allez au bar, vous avez des fléchettes et de la bière. C’est parfait!

L’établissement, qui permet à ses clients de jouer aux fléchettes depuis cinquante ans, compte aujourd’hui une centaine de joueurs réguliers, et des compétitions ont lieu presque tous les soirs. Nikki Schenkeveld-Siemons, 35 ans, est née à l’étage. Ses parents étaient propriétaires du bar et le lui ont transmis. «À l’époque où Raymond van Barneveld est devenu célèbre aux Pays-Bas, les fléchettes ont explosé», dit cette dernière, également joueuse. «Je pense que nous avons commencé avec deux équipes. Nous en avons quatorze actuellement et quelques équipes ont une liste d’attente», poursuit-elle.

L’Association néerlandaise de fléchettes compte 33 000 membres officiels, mais cela ne représente qu’une fraction des joueurs amateurs. Dégustant une bière et sa victoire avec les «Eurobangers», Marco De Bakker, un horticulteur de 32 ans également inspiré par la «légende» Van Barneveld, a une explication simple à la popularité des fléchettes. «Aux Pays-Bas, nous aimons tous les pubs. C’est la même chose qu’en Angleterre, je suppose. Et ici, beaucoup de pubs ont des jeux de fléchettes. Donc, quand vous allez au bar, vous avez des fléchettes et de la bière. C’est parfait!»