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Au pays d’Airbus, des passionnés restaurent des avions


Une association restaure d’anciens avions jugés bons pour la casse. (photo AFP)

Face aux usines modernes d’Airbus à Blagnac, près de Toulouse, où sont assemblés des avions de dernière génération, des passionnés sauvent de la casse des anciens appareils, datant pour certains des années 1930.

«Avant d’essayer de rendre l’appareil joli (…) le travail, c’est de le sauver, de le renforcer, parce qu’il y a souvent beaucoup de corrosion (…) si l’on ne fait pas ça, l’appareil est condamné», explique Jean-Claude Cathala, vice-président des Ailes anciennes. L’association, implantée face aux usines ultramodernes d’Airbus à Blagnac, près de Toulouse, restaure d’anciens avions jugés bons pour la casse.

Parmi les 120 aéronefs de la collection, cédés pour la plupart par l’Autriche, l’Allemagne, les États-Unis ou l’armée française, certains sont en restauration depuis plus de 20 ans, tel un Breguet 765 Sahara deux-ponts. «Il ressemblait à une ruine» quand il est arrivé d’Évreux au bout de cinq jours et demi de route en 1986, précise Bernard Mattos, devant ce colosse d’après-guerre de 29 mètres de long et 45 mètres d’envergure.

Pour cet adhérent des Ailes anciennes, qui regroupe une soixantaine de passionnés, dont beaucoup de retraités de l’aviation, remettre en état ce monstre d’acier, c’est comme monter «une grosse maquette». Après avoir changé les vitres du cockpit, remplacé les interrupteurs, cet ancien ingénieur d’Airbus s’attelle à reproduire un Rebeca. C’était un instrument utilisé pendant la guerre pour «larguer les parachutistes de manière précise», explique-t-il, s’appuyant sur une «photo de l’époque» dénichée dans un manuel de pilotage. Les deux volumes d’une centaine de pages ne quittent jamais la besace du sexagénaire qui, le soir venu, continue à travailler «depuis la maison».

Refaire les pièces manquantes

Pendant des années, de l’autre côté de la route, il a testé les avions avant leurs premiers vols. Aujourd’hui, il remet en état des appareils cloués au sol, mais accessibles au public. «Je cherche une manière de faire au plus proche de la réalité, même si moi je vois la différence, les détails», précise-t-il en ajustant ses fines lunettes.

Si les adhérents comptent sur le bouche-à-oreille et le réseau des passionnés pour trouver des pièces manquantes, ils sont parfois obligés de refaire celles devenues introuvables. Le gabarit du deux-ponts étant trop imposant pour l’atelier, qui abrite déjà cinq autres appareils, il a fallu en démonter les planchers afin de les restaurer à l’abri.

Un mélange d’odeurs de bois et d’huile flotte dans ce hangar, d’où vient de sortir un McDonnell F-101 B Voodoo. Quinze années ont été nécessaires pour remettre en état, aux couleurs de la garde nationale du Minnesota, État du nord-est des États-Unis, ce chasseur des années 1950 prêté par le musée de l’US Air Force.

Dehors, les ailes d’avions de transport frôlent les hélices d’hélicoptères militaires. Luciano Angeli est venu de l’école de pilotage de Mezzolombardo, au nord de l’Italie, pour voir le travail «inspirant» des Ailes anciennes. «Tous les avions ont une histoire. Leurs vies ne s’arrêtent pas à leur fonction, leur mission», estime ce futur pilote d’hélicoptère de 18 ans, en admirant un Mirage III C du constructeur Dassault datant de 1956. Cet autre chasseur s’est posé dans les années 1980 à l’aéroport de Blagnac, pour ne plus jamais décoller.

Inspiration et transmission

Le musée à ciel ouvert fourmille d’anecdotes autour des avions, comme le Deltaviex, aux ailes en queue d’hirondelle : lors de ses tests à Brétigny, dans l’Essonne, dans les années 1950, l’Office national d’études et de recherche aéronautique (Onera) demandait aux employés de tirer les rideaux pour garder le secret.

«Transmettre la passion», «voir le visage des enfants qui jouent aux commandes», motive aussi Bernard Mattos à venir une fois par semaine aux Ailes anciennes. Et la relève semble prête : des élèves de douze lycées toulousains vont reconstruire un Laté 28, grâce auquel Jean Mermoz a pour la première fois traversé l’Atlantique Sud en 1930 avec du courrier.

Il s’agit de «trouver l’inspiration auprès des pionniers de l’Aéropostale», favoriser la «transmission entre une époque riche en innovation» et «la nôtre, qui doit l’être aussi», explique Christophe Chaffardon, directeur éducation, sciences et culture au musée de L’Envol des pionniers, initiateur du projet. Ce chantier de cinq ans doit débuter d’ici fin 2022 sur le site des anciennes usines Latécoère, au sud-est de Toulouse, là même où cet avion de légende était construit il y a un siècle.