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Au Danemark, une statue turque cherche sa tête


La statue de Septime Sévère a été rendue à la Turquie, mais toujours sans sa partie supérieure. (photo AFP)

La tête en bronze de Septime Sévère, exposée à Copenhague depuis plus de 50 ans, est-elle la pièce manquante d’une statue qui vient d’être restituée à la Turquie ? Pour les Danois, rien n’est moins sûr…

Après des décennies aux États-Unis dans une collection privée qui l’avait prêtée au Metropolitan Museum de New York, la statue de l’empereur romain Septime Sévère (145-211) a été rendue à la Turquie, mais toujours sans sa partie supérieure. «Sur notre tête, il faut que nous trouvions des fractures qui correspondent exactement aux fractures du torse» de la statue, tempère Rune Frederiksen, le directeur des collections de la Ny Carlsberg Glyptotek, à Copenhague, où la tête en bronze qui pourrait appartenir à l’empereur est exposée depuis plus de 50 ans.

En 1979, un ancien conservateur du musée avait pourtant estimé que la tête, acquise en 1970 sans information sur sa provenance exacte, correspondait à une statue décapitée d’une collection privée américaine. Les deux parties avaient été réunies le temps d’une exposition. «La tête a été fixée au torse dans le sens où une perche a été introduite dans le cou (…) et fixée au torse, de manière à ce que les deux fragments s’approchent l’un de l’autre», dit Rune Frederiksen. Pour lui, l’assemblage n’avait pas été concluant. «Je ne dis pas qu’ils ne vont pas ensemble. Je dis simplement que nous ne sommes pas aussi sûrs que nous l’étions peut-être il y a 25 ou 30 ans, lorsque nous avons rédigé les catalogues», souligne le responsable.

Ces fameux catalogues affirment toujours que «rien, en termes de composition ou de structure, n’empêchait la tête et le corps d’appartenir à la même statue». Ils sont plus catégoriques sur l’origine du bronze danois, qu’ils situent à Boubon, un site romain d’Asie Mineure, dans la région historique de Lycie, sur l’actuelle côte méditerranéenne de la Turquie.

Pour l’archéologue Guillaume Biard, maître de conférence à l’université Aix-Marseille, il n’existe toutefois aucune preuve documentaire définitive pour identifier formellement l’origine de la tête. En revanche, «le torse naguère exposé au Metropolitan Museum de New York et rendu à la Turquie provient du Sébasteion – c’est-à-dire du temple du culte impérial – de Boubon», explique-t-il.

Le bronze vient de Boubon, en Turquie. Et, comme tous les objets originaires de Turquie, nous demandons son retour

Pour les autorités turques, en revanche, l’origine de la tête est incontestable. Elles s’appuient notamment sur les travaux d’une archéologue turque, Jale Inan, qui avait effectué des mesures sur les deux parties. «Le bronze vient de Boubon, en Turquie. Et, comme tous les objets originaires de Turquie, nous demandons son retour», indique le chargé d’affaires turc au Danemark, Mehmet Bulut. Une discussion avec la Glyptotek a été engagée. «La procédure est initiée. Nous avons exprimé notre demande, mais cela demande du temps», poursuit Mehmet Bulut.

S’il n’est pas opposé à une restitution, Rune Frederiksen juge «nécessaire d’effectuer des recherches approfondies». Réunir des fragments est une mission primordiale pour les historiens et les musées. «Il est évidemment important de pouvoir recomposer les statues antiques; la plupart de celles qui nous sont parvenues sont des têtes sans corps ou des corps sans tête», explique Emmanuelle Rosso, professeure d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université Paris IV Sorbonne.

Certaines têtes ont disparu au fil du temps tandis que des statues ont pu être décapitées, parfois lors de révoltes ou, plus tard, par des pilleurs avides de vendre deux objets plutôt qu’un. «Les statues complètes sont très rares, et c’est encore plus vrai dans le cas des statues en bronze», note la professeure. Or, «plus une œuvre sculptée est complète, plus les archéologues et historiens de l’art disposent d’éléments pour la replacer dans son contexte de production et d’exposition originel», abonde son confrère Guillaume Biard.

Toutefois, il existe aussi des réunions des membres avec les mauvais bustes.«À l’époque romaine, la sculpture de l’empereur était utilisée dans le cadre de la propagande politique et, lorsqu’un nouvel empereur arrivait, au lieu de changer toutes les statues, il était parfois plus efficace et moins coûteux de changer la tête», détaille Rune Frederiksen. Selon Emmanuelle Rosso, la compatibilité de la statue turque avec la tête danoise pourrait être vérifiée sans les déplacer. «Un modèle 3D réalisé par photogrammétrie suffirait», estime-t-elle.

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