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Au Cap, le musée d’art contemporain fait briller l’art africain


Une exposition saisissante. (photo AFP)

Depuis que Koyo Kouoh est devenue conservatrice du Zeitz MOCAA en 2019, le musée d’art contemporain du Cap est devenu le lieu d’exposition incontournable pour l’art du continent et des «géographies noires».

Sur le port du Cap, à la pointe sud de l’Afrique, un musée d’art contemporain fait des envieux : le Zeitz MOCAA, repris en main par l’ambitieuse conservatrice camerounaise Koyo Kouoh, fait briller l’art du continent et de ses multiples diasporas. «Pour moi, l’Afrique est une idée, une histoire qui dépasse les frontières», explique cette femme élégante de 56 ans, longues tresses vertes et regard vif. «Je dis souvent à nos visiteurs américains que les États-Unis aussi sont un pays africain. Ils n’aiment pas entendre ça», s’amuse-t-elle, un brin provocatrice mais pourtant très sérieuse. Tout comme le Brésil, Cuba ou Haïti.

«Ce qui fait un pays, c’est l’agrégation et la combinaison d’expressions et d’influences culturelles. Or, l’influence africaine aux États-Unis, comme dans ces autres pays, est indéniable», dit-elle. «C’est pourquoi j’aime parler de géographies noires, plus que de diasporas africaines. Là où la culture noire, les corps noirs, les personnes noires ont influencé la société», dit-elle.

Arrivée à la tête de ce musée il y a quatre ans, Koyo Kouoh, élevée entre Douala et Zurich et qui a notamment monté un centre d’art pointu à Dakar, au Sénégal, a repensé entièrement ses contenus. Elle a remodelé ce premier musée d’art africain d’envergure, avec lequel les grandes institutions new-yorkaises ou européennes veulent aujourd’hui collaborer. Dans cet ancien silo à blé, graphique et épuré, qui évoque une ruche aux multiples alvéoles, elle a hérité d’une institution «en panne». L’urgence, selon la conservatrice, était «d’apporter une structure programmatique» pour forger une identité, une particularité.

Nous sommes le seul musée à avoir exposé autant de femmes africaines

Koyo Kouoh a cherché à «examiner les besoins, le type de valeur ajoutée que le musée peut apporter à la compréhension, la contemplation, l’appréciation» de l’art contemporain d’Afrique et de ses diasporas. Le panafricanisme «pour moi est une évidence, il est nécessaire» : «Le récit du continent a été largement défini par d’autres et c’est encore le cas aujourd’hui», estime-t-elle. Des décennies après la fin du colonialisme, au cours desquelles «de nombreuses voix ont pourtant émergé et gagné en autorité» en Afrique, «les stigmates sont toujours extrêmement actifs, que vous les adoptiez, que vous les intériorisiez ou non».

La saisissante exposition «Chercheurs, voyants et devins», actuellement présentée aux visiteurs, explore, via des projections de photos ou vidéos sur les murs ou différentes installations textiles, une sphère spirituelle, voire surnaturelle. «Il est absolument nécessaire d’apporter d’autres histoires sur la table. Et non comme un moyen de correction, je n’ai aucun intérêt à corriger, je ne possède pas et n’intériorise pas l’histoire erronée. Mais il faut s’approprier l’espace», juge Koyo Kouoh.

Dans l’urgence à faire émerger des récits du continent, les conservateurs africains ont eu tendance à monter des expositions groupées. «Nous voulions raconter des histoires à plusieurs voix.» Aujourd’hui, elle préfère favoriser des espaces dédiés à un ou une seule artiste. «C’est un format d’une grande richesse. Lorsqu’on conçoit une exposition de groupe, on espère créer une symphonie, mais la plupart du temps, on engendre une cacophonie.» Avec l’expo solo, «vous avez une véritable symphonie d’expériences et d’univers», relève-t-elle. Même si elle ne s’interdit rien. Ainsi, la récente exposition «When We See Us» du MOCAA, qui présente un siècle de peinture figurative africaine, doit quitter Le Cap pour être montrée bientôt à Bâle, en Suisse.

Le musée est désormais reconnu mondialement pour son travail panafricain et pandiasporique. «C’est le seul qui a cette ambition», insiste Koyo Kouoh, dans l’ascenseur panoramique qui offre une vue plongeante sur le hall d’entrée de l’imposant bâtiment industriel. Elle veut désormais se concentrer sur trois priorités : exposer des talents émergents aux côtés d’artistes confirmés, mais aussi offrir une plateforme d’envergure aux femmes artistes, et célébrer «des pratiques qui n’ont pas reçu la reconnaissance qu’elles méritent». «Nous sommes le seul musée à avoir exposé autant de femmes artistes africaines», souligne-t-elle, se défendant de tout militantisme, mais se disant déterminée à les «promouvoir avec force».

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