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[Album de la semaine] «The Return», le rap tranchant de Sampa the Great


Ce disque, qu'elle aura mis quatre ans à réaliser, Sampa the Great le définit comme étant un autoportrait à travers lequel elle conte la maturation de ses héritages ethniques, et cette volonté de questionner sa culture africaine. (photo DR)

Décidément, cette année, le rap au féminin «accouche» d’excellentes réalisations.

Dans le lot, il y a eu notamment les bombes musicales de Little Simz (Grey Area), Lizzo (Cuz I Love You) et Rapsody (Eve), pour ne citer qu’elles, contributions d’autant plus appréciables qu’elles ne se limitent pas à une seule humeur, alternant le mordant, le fun, l’explosif et le chaleureux. Combinaison de ces multiples caractères, The Return s’impose donc, en cette rentrée, comme un véritable cocktail d’une vitalité et d’une modernité incroyables.

Toutefois, en ce qui concerne les présentations, Sampa the Great n’a rien d’une inconnue, pour peu que l’on s’intéresse au milieu. En 2015, à travers son premier fait d’armes, The Great Mixtape (porté par le titre Born to Be Blue), on découvrait une étonnante artiste et une personnalité flamboyante, à la fois poétesse et activiste du son aux textes incisifs, au flow d’une précision implacable.

En 2017, elle remettait cela avec une nouvelle œuvre hybride, Birds and the Bee9, avec laquelle elle continuait d’explorer le patrimoine spirituel et musical de ses racines africaines, avec cette propension à viser large, entre rap, soul, jazz et sonorités zambiennes. Pour la notoriété, n’oublions pas non plus que la jeune femme, ces deux dernières années, a également donné de nombreux concerts, mettant le feu partout où elle est passée, même quand elle assurait les premières parties de Thundercat, Ibeyi, de Lauryn Hill (qu’elle vénère) ou de Kendrick Lamar qui fut, au passage, l’un des ses premiers supporters.

Plonger dans The Return et ses 19 morceaux alambiqués (pour une durée de plus de 80 minutes tout de même !), c’est accepter de partir sur les traces de son exil, de la Zambie au Botswana, du Botswana à l’Australie, de l’Australie à la Californie… Bref, une seule femme pour trois continents qu’elle fait résonner sur un même disque, y mélangeant anglais et langues bantoues, soul des années 1970, rythmes d’Afrique australe et rap tranchant. Ce disque, qu’elle aura mis quatre ans à réaliser, Sampa the Great le définit comme étant un autoportrait à travers lequel elle conte la maturation de ses héritages ethniques, et cette volonté de questionner sa culture africaine, d’essayer aussi de comprendre ce que signifie en 2019 la notion d’ «être chez soi».

Véritable manifeste pour un panafricanisme revitalisé – avec quelques coups de dent bien sentis pour critiquer les inégalités raciales dans le milieu musical – , The Return est à voir comme le résultat d’un riche multiculturalisme, posé sur des arrangements de soie, servis par les cadors de la scène jazz – hip-hop de Londres et de Los Angeles (on retrouve, par exemple, Jonwayne au mix) et appuyés par des artistes de la scène australienne (Thando, Krown…). Oui, Sampa the Great a bien mérité son surnom.

Grégory Cimatti

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