Avec Faust (1971-1974), sorti le 8 octobre sur le label Bureau B, le « rock choucroute » est partout et se met à toutes les sauces !
Krautrock par-ci, krautrock par-là… Le «rock choucroute» est partout et se met à toutes les sauces ! Le terme accompagne, c’est certain, des pionniers toujours en vie (Tangerine Dream, Kraftwerk), mais désormais, il s’acoquine également avec des tonnes d’autres groupes modernes, pour peu qu’ils versent un tant soit peu dans la répétition et l’improvisation, avec quelques penchants pour l’expérimentation. Et la tendance ne risque pas de se calmer, surtout depuis que le tube de Can, Vitamin C, est devenu «mainstream»…
Un pied de nez de l’Histoire, pour une connotation devenue aujourd’hui carrément académique, qui fait sûrement marrer le groupe Faust qui, dès 1973 sur Faust IV, pondait une chanson moqueuse bien nommée Krautrock, histoire de rappeler que l’expression vient du label Virgin, cherchant une formule choc pour mieux vendre en Grande-Bretagne (en anglais, «kraut» est l’équivalent du terme français «boche»).
Histoire de faire vite le tour, rappelons que le genre (pour peu que ça en soit un, donc) est né en Allemagne à la fin des années 60, sur les bases du psychédélisme américain, et qu’il a connu un âge d’or au début de la décennie suivante. De Berlin à Munich, de Cologne à Düsseldorf, la famille est nombreuse, plus ou moins politisée, plus ou moins perchée. Dans ce touffu arbre généalogique, Faust serait une branche pas comme les autres, peut-être la plus haute, ne serait-ce qu’en raison de sa propension à repousser les limites sonores, loin des racines.
Faust (1971-1974), première réunion quasi complète des sorties studio officielles sur ladite période, revient aux origines d’un groupe moins connu du grand public, car trop à contre-courant et trop inventif. Avec lui, les sonorités planantes s’allient à la musique concrète à la Stockhausen, à l’électronique primitive et au rock minimaliste, entrecoupés de voix ricaneuses et de bruits inquiétants. Un avant-gardisme «grinçant» souvent comparé à Frank Zappa et ses Mothers of Invention.
Même si, encore aujourd’hui, il tient toujours debout – scindé en deux entités distinctes (Faust et faUSt) qui avancent en harmonie –, ce fastueux coffret (générosité qui ne se retrouve pas dans le prix) replonge dans une époque de tous les possibles. Comme le fait, par exemple, d’inciter Polydor, son premier label, à acheter une ancienne école à Wümme, près de Hambourg, pour qu’il puisse y vivre (en communauté), créer, enregistrer et, c’est secondaire, cultiver sa propre drogue et ses tomates.
La collection, outre le premier album éponyme (dont elle conserve l’étrange présentation, avec cette radiographie de main) comprend l’album So Far (1972) ainsi que le dadaïste The Faust Tapes (1973), vendu par Virgin à très bas prix (ce qui fera dire au bassiste-chanteur français Jean-Hervé Peron : «Certains ont choisi de jouer au frisbee avec ce disque, d’autres ont dit qu’il avait changé leur vie»). S’ajoutent bien sûr Faust IV (1973) et, clou de l’affaire, Punkt (1974), production tenue au rang de mythe, car jusqu’alors jamais sortie des studios de Giorgio Moroder.
D’autres bonus (des raretés ou inédits) garnissent le panier d’où sortent des éclats sonores indomptables, renforcés par un mixage plus précis, plus puissant. Un retour aux sources percutant («faust» signifie «poing» en allemand) qui remet en lumière cette bande (à part), avec laquelle il fallait s’attendre à tout, ou à rien. Simplement accepter l’invitation au chaos et au lâcher prise total. Ce qui est déjà beaucoup.
Grégory Cimatti