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[Album de la semaine] Big Hit, de la prison au studio


The Truth Is in My Eyes est l’autoportrait complet d’un artiste qui se présente avec un grand vécu à raconter. (Image Surf Club)

Produit par son fils Hit-Boy, Big Hit est un nouveau venu sur la scène hip-hop malgré ses 52 ans. Avec son premier album, The Truth Is in My Eyes, mûri pendant 30 ans alors qu’il était en prison, il s’inscrit dans la tradition du «gangsta rap» aux côtés de N.W.A., 2Pac ou encore Snoop Dogg.

On sait pourquoi Hit-Boy reste l’un des producteurs américains les plus doués et les plus demandés du rap américain : sa récente aventure musicale avec Nas, légende du Queens à qui il a redonné de sa superbe grâce à deux trilogies sidérantes (King’s Disease, 2020-2022; Magic, 2021-2023), devrait suffire à lui valoir le titre de meilleur producteur de l’année lors des prochains Grammy Awards, le 4 février.

Le producteur stakhanoviste de 36 ans, on l’a peut-être moins remarqué, nous a présenté un nouveau venu derrière le micro en 2023, qui répond au nom de Big Hit. Résonance évidente : de son vrai nom Chauncey Hollis Sr., le «jeune» rappeur de 52 ans n’est autre que le père de l’illustre producteur.

Dans un paysage hip-hop où l’on aime fantasmer sur une vie jamais vécue ou afficher ses signes extérieurs de richesse comme appel au succès, le daron californien arrive avec l’ambition de redonner au rap un sens négligé. C’est en prison, où il a passé plus de la moitié de sa vie, que Big Hit a forgé les textes de The Truth Is in My Eyes, son premier album réalisé sur une durée de trente ans, précise-t-il.

Alliance volcanique

Tel fils, tel père : il n’a pas perdu son temps en vain. Le premier endroit qu’il a visité, le 5 mai 2023, jour de sa libération ? Le studio d’enregistrement, où il s’est enfermé avec Hit-Boy, pour pondre un album commun sorti un mois plus tard (Surf or Drown, Vol. 2).

Le rap américain devra désormais compter avec l’alliance volcanique entre Chauncey Jr. et Chauncey Sr. – ce dernier commence le premier couplet de son album avec ces mots : «Depuis que j’ai été libéré de taule, je suis l’homme de la situation / Et que je sois maudit si je laisse quelqu’un stopper ça».

C’est dit, Big Hit est libre, mais il «reste gangsta car (il n’a) rien à cacher» : ni les «corps (qu’il a) dû refroidir», ni ses balades dans la cour de la prison de haute sécurité avec le baron de la drogue Ray-Ray Browning, ni la grande vie qu’il a décidé de mener aujourd’hui. Comme ultime preuve, il insère à la fin du disque G’z Don’t Cry, que Big Hit a enregistré en 2014, après avoir passé près de vingt ans en prison, et juste avant d’y retourner pour neuf années supplémentaires.

Tout est authentique dans cet album qui s’inscrit parmi les plus importants du « gangsta rap » actuel

Les textes de Big Hit s’inscrivent dans la tradition du «gangsta rap» des pionniers (N.W.A., 2Pac, Snoop Dogg…) et des générations suivantes (Gucci Mane, Chief Keef, Nipsey Hussle…). Tout est authentique ici, classique, mais pas moins percutant.

Sur The Pain Is Deep, le rappeur se penche sur la vie entre quatre murs, dans un système créé pour briser même les hommes les plus solides; Hit-Boy, producteur de 16 des 17 titres de l’album, se fend ici de guitares wah-wah, d’effets futuristes, d’une basse voluptueuse et, même, d’un soupçon de saxophone. C’est le titre le plus ouvertement californien de ce premier album qui marie tout du long les ambiances sombres de la trap et les lignes de synthétiseur ensoleillées du «G-funk» des années 1980 et 1990 si chères à Dr. Dre.

Hymnes ghetto et textes introspectifs

Entre hymnes ghetto (Wigglin’, Speaking in Codes ou encore Man, I’m Rollin, pour lequel Hit-Boy passe la main au non moins génial The Alchemist à la production) et textes introspectifs, The Truth Is in My Eyes est l’autoportrait complet d’un artiste qui se présente avec un grand vécu à raconter.

Sa voix et sa plume auraient eu autant d’impact sans les compositions de son fils, mais Hit-Boy lui déroule tout de même le tapis rouge avec des invités de marque (Snoop Dogg, Benny the Butcher, Dom Kennedy, Mozzy…). Une chose est sûre : on n’a pas fini d’entendre parler de Big Hit. Le 1er janvier, le rappeur a déjà sorti un nouvel album épatant (Paisley Dreams) avec la pointure du rap «West Coast» The Game, produit par le fiston et entièrement réalisé en l’espace d’une nuit, entre Noël et Nouvel An. Quand on vous dit que Big Hit n’a pas de temps à perdre!

Big Hit. The Truth Is in My Eyes. Sorti le 13 décembre. Label Surf Club. Genre rap

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