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[Album de la semaine] Altin Gün trace sa «route»


À l’enracinement, Altin Gün répond en poussant ses rêveries psychédéliques plus loin. Plus haut. (Photo : DR)

Le Quotidien sélectionne cette semaine l’album Yol d’Altin Gün, sorti sur le label ATO Records.

En ces temps de sclérose, voir arriver un nouvel album d’Altin Gün rappelle d’abord la douloureuse absence de concerts. Ceux, particulièrement, qui dénouent les jambes et allègent la tête dans une puissante décharge cathartique. Pour mémoire, le groupe est passé par le Luxembourg à la mi-février 2020, peu avant que le monde ne s’arrête. Réputé pour son groove fédérateur, déjà éprouvé sur trois continents, ce soir-là, le sextuor a mis la Kulturfabrik sens dessus dessous. Des larmes, des cris et de la sueur pour une performance qui a fait date.

Mais qu’en est-il un an après, alors que la troupe, comme toutes les autres, s’est retrouvée assignée à résidence pour cause de pandémie? Comment a-t-elle géré ce coup d’arrêt brutal, elle dont la musique se nourrit de l’expérience scénique, naturelle, honnête et plurielle? Yol, son troisième album, est en soi une réponse.

 

Si en plein confinement, il n’a pas manqué la convocation du festival Eurosonic, à domicile, pour un live numérique de bon aloi, c’est bien à distance que le combo d’origine néerlandaise s’est réinventé, réponse à une situation sanitaire qui exige d’avancer alors que rien ne bouge. À l’enracinement, Altin Gün répond alors en poussant ses rêveries psychédéliques plus loin. Plus haut.

Une évolution qui n’oublie toutefois pas les bases : célébrer la musique traditionnelle de Turquie à travers une vision kaléidoscopique moderne (et occidentale) faite de rock, de pop et de disco-funk. Des trésors cachés du Bosphore qui ne perdent rien de leur authenticité grâce à la chanteuse Merve Dasdemir et à Erdinç Ecevit Yildiz, gardien du saz, instrument qui se rapproche du luth oriental. Mais si la langue et les chansons du patrimoine turc sont toujours célébrées, la formule, elle, cherche à s’émanciper. Pour preuve, ce premier morceau mis en ligne, Ordunun Dereleri, mystérieux et atmosphérique, ou encore Bulunur mu, à l’ADN plus proche d’Elli et Jacno que des Baris Manço, Selda Bagcan et Erkin Koray.

Un titre comme un aveu : oui, Altin Gün compte bien changer d’époque. Yol («route» en français) s’émancipe ainsi de ses deux prédécesseurs – On (2018) et Gece (2019) – en sautant allègrement de décennie. Aux emprunts sonores électriques fleurant bon les années 60-70, le groupe préfère sur ce disque les charmes d’une pop synthétique héritée des «eighties». Il lorgne le disco, laisse parler la puissante voix de l’omnichord, s’amuse avec la boîte à rythmes. «A-t-on été trop loin?», s’interroge, dans un rire, Merve Dasdemir.

On a envie de lui répondre que non, pour différentes raisons : d’abord parce qu’il faut saluer le changement, osé. Ensuite, cette nouvelle palette donne aux chansons d’Altin Gün plus de corps, de teneur. Enfin, et c’est tout de même l’essentiel, elles gardent en elles cette légèreté fédératrice, cette âme chatoyante et dansante. Sur Yol, la joie et l’exotisme restent les mots d’ordre. Et si l’invitation est différente, la célébration se veut toujours joyeuse. Un constat qui tient lieu de philosophie pour le groupe qui, en creux, glisse qu’on peut toujours compter sur lui pour se remonter le moral. Et qu’en cas de jours meilleurs, il ne sera jamais bien loin.

Grégory Cimatti

Yol, d’Altin Gün.

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