Ses coups de ciseaux gratuits redonnent un peu de joie et de confiance aux plus démunis: David Kodat, 30 ans, coiffeur strasbourgeois, improvise dans la rue un salon de coiffure social, le temps d’une coupe.
Un look urbain et branché, barbe bien taillée, ce styliste a choisi un tout autre terrain que la mode pour travailler durant son temps libre. Le dimanche, sa seule journée de repos, il quitte son salon avec sa trousse d’outils et s’en va proposer gratuitement ses ciseaux aux personnes précaires qu’il aborde dans la rue. «Je kiffe beaucoup. La coiffure est pour moi un moyen d’entrer en contact avec les gens», déclare l’homme d’une voix posée et modeste, promenant sa silhouette sportive dans les rues de la capitale alsacienne.
En ce matin de février, alors que les températures sont à peine positives, le trentenaire ouvre un salon éphémère à l’abri, dans un coin du hall de la gare. Pinces, peignes, ciseaux, vaporisateur: il s’apprête à rafraîchir les cheveux d’Annabelle, 43 ans. Elle n’est pas sans domicile, mais vit modestement avec une pension d’invalidité dans un quartier populaire de Strasbourg. Chasuble blanche et cheveux mouillés, la femme penche la tête en arrière. De sa main droite, son «Figaro» saisit délicatement ses cheveux et, concentré, commence à couper.
De petites mèches tombent sur un journal posé au sol. Choyée durant 20 minutes, Annabelle esquisse un sourire ému. «Me faire couper les cheveux me met en valeur, cela me fait du bien. Souvent on n’a pas les moyens de se payer le coiffeur», raconte la femme qui repart aussi avec un sandwich offert par son bienfaiteur.
Emule d’un coiffeur new yorkais
David Kodat a eu l’idée de couper gratuitement les cheveux des SDF et des précaires il y a deux ans, «après une rencontre avec un coiffeur new yorkais», Mark Bustos. Il décide alors d’amener l’idée en France pour «sensibiliser, réveiller sur le sort des sans-abri victimes de discrimination». Pour aborder les personnes, «j’essaie de les approcher avec douceur» et «pour ne pas les effrayer, je ne porte pas de gants car elles pourraient penser qu’elles sont peut-être sales».
«Cela m’arrive d’avoir des refus, mais je ne m’arrête pas là». «Nous sommes tous égaux malgré nos différences», a-t-il écrit dans une profession de foi en 2015 sur Facebook. Aujourd’hui, sa démarche interpelle les passants et suscite encouragements et regards admiratifs. «C’est bien ce que vous faites !», lui lance à la gare un jeune homme dans un grand manteau. Ses outils en mains, il s’occupe sur la place de la gare d’un homme barbu à la silhouette frêle, Teodor, un sans-abri roumain de 48 ans. «Ici un peu», murmure l’homme dans un français hésitant, désignant de la main la frange au-dessus de son front.
David Kodat a commencé sa carrière dans la coiffure il y a 15 ans. Son père était coiffeur. «A l’école, je n’étais pas un élève top. Je ne voulais pas travailler». Décidant de «faire quelque chose» de sa vie, il se résigne à faire ce métier, décroche le CAP. Aujourd’hui, il dirige deux salons dont celui de son père, en périphérie de Strasbourg. Il coiffe des mannequins de défilés et aussi des joueurs du Racing club de Strasbourg.
Avec sa démarche et son engagement dans une association d’entraide sociale dont il est cofondateur – «Les compagnons de l’Espoir» -, David Kodat dit avoir trouvé un «équilibre» et pu «garder la tête sur les épaules». Il ne sait pas combien de démunis il a coiffés, mais assure vouloir continuer aussi longtemps qu’il pourra. Il publie ses clichés pris avant et après chaque coupe sur Instagram.
Le Quotidien/AFP