Une soirée de solidarité avec les prévenus du procès LuxLeaks s’est tenue lundi soir au Casino syndical. De nombreux intervenants leur ont apporté leur soutien dans une salle comble et enthousiaste.
Le Comité de solidarité avec Antoine Deltour et Édouard Perrin au Luxembourg a rassemblé, lundi soir, plusieurs centaines de personnes venues entendre des défenseurs de la liberté de la presse, des militants de la justice fiscale et les avocats des prévenus.
À 18h30, une dizaine d’intervenants s’installent sur scène devant un auditoire clairsemé, disséminé sur les chaises disposées dans la grande salle du Casino syndical à Luxembourg. Ça commence presque timidement quand Justin Turpel, tête de proue du comité de soutien luxembourgeois à Antoine Deltour et Édouard Perrin prend la parole. Quelque deux heures plus tard, c’est dans une ambiance presque survoltée que les avocats du lanceur d’alerte et du journaliste sont acclamés par un public qui n’a cessé d’affluer, au point que les derniers venus ne trouvent plus à s’asseoir.
Il y a là des activistes associatifs, des responsables syndicaux, des militants politiques de déi Lénk et même quelques socialistes. Il y a la foule des journalistes des médias luxembourgeois et internationaux venus couvrir le procès LuxLeaks. Des citoyens ordinaires aussi. Et puis, assis au dernier rang, un bien peu discret agent du SREL qui, surpris, se fend d’un «pas du tout» lorsque nous lui demandons s’il est en mission officielle.
Une enquête digne d’un film d’espionnage
Membres d’Amnesty International, de la Ligue luxembourgeoise des droits de l’homme, des syndicats de journalistes, d’ONG spécialisées dans la justice fiscale prennent tour à tour la parole pour dire l’indispensable œuvre d’intérêt générale qu’ont accomplie le lanceur d’alerte Antoine Deltour et le journaliste français Édouard Perrin en rendant publiques les malversations fiscales des multinationales qui recourent aux rescrits fiscaux que leur offre plus ou moins légalement l’administration luxembourgeoise.
Et il y a Xavier Counasse, journaliste au quotidien belge Le Soir et membre de l’ICIJ, le Consortium international des journalistes d’investigation, basé à Washington, qui a fédéré les forces de dizaines de médias dans le monde pour révéler les scandales LuxLeaks en 2014 et plus récemment des Panama Papers. Il captive l’assistance quand il dévoile quelques-unes des astuces utilisées par les journalistes pour éviter les fuites lors de longs mois de travail d’enquête. Ça tient un peu du film d’espionnage avec des noms de code, des pseudonymes, des réunions secrètes tenues à Bruxelles ou Munich. Il explique aussi ce nouveau journalisme d’investigation qu’il qualifie de 2.0 parce que cela se joue beaucoup derrière des écrans d’ordinateur avec l’analyse de millions de pages de documents. Il insiste sur le rôle des lanceurs d’alerte sans lesquels rien n’aurait été possible. Il dit encore que le Luxembourg n’est pas spécialement visé, qu’il ne s’agit pas d’un complot mais du hasard qui a voulu que cette fois le lanceur d’alerte ayant dévoilé la fraude travaillait au Luxembourg, chez PwC.
Incontestablement, ce sont les invités surprises de la soirée qui font le plus vibrer l’auditoire. Me Roland Michel d’abord, l’avocat luxembourgeois du journaliste français Édouard Perrin. Il dit son bonheur face à cette salle comble, «car cela donne une autre image du pays». Arrivent ensuite les défenseurs d’Antoine Deltour : le Luxembourgeois Philippe Penning et le Français William Bourdon, virtuose des prétoires, implacable ennemi des injustices et de la corruption, maître en procès «politiques». Cameramen et journalistes se précipitent, ralentissent leur progression vers la scène du Casino syndical. Me Philippe Penning dit l’angoisse de son client face «à un procès dont les enjeux dépassent largement sa personne».
«Dans l’intérêt de la démocratie»
L’enjeu, c’est Me William Bourdon qui le dit : «Ce qu’Antoine Deltour a fait, il l’a fait dans l’intérêt de tous les contribuables européens, dans l’intérêt de la démocratie. Antoine Deltour a le droit européen de son côté, celui de la Cour européenne des droits de l’homme.» Il est interrompu par les applaudissements de l’auditoire. Il poursuit : «Nous demanderons la relaxe d’Antoine Deltour qui a agi de manière totalement désintéressée. Antoine Deltour ne visait pas la célébrité, il ne cherchait aucun avantage. Antoine Deltour est quelqu’un d’exceptionnel.» La salle exulte, applaudit à tout rompre.
Ces avocats déterminés avancent avec la conviction de défendre une cause noble. À n’en pas douter, ils donneront du fil à retordre à l’accusation.
Fabien Grasser