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Sudan Adrovic, 18 ans pour meurtre


Elvira Adrovic a été poignardée par son mari, à leur domicile, rue de Picardie à Fameck, en janvier 2016. (photo Armand Flohr)

La cour a refermé le chapitre judiciaire du meurtre d’Elvira, emportée par les onze coups donnés par son mari le 17 janvier 2016 à Fameck. Pour les enfants qui ont vu la scène et suivi le procès, c’est une autre histoire.

Les derniers mots de Sudan Adrovic, avant que la cour ne se retire pour délibérer, ont été pour ses cinq enfants assis en face de lui sur les bancs de la partie civile. Un pardon. Les mots laissent ses deux fils (10 et 15 ans) de marbre, mais touchent ses trois filles (12, 13 et 16 ans). L’aînée retient ses larmes. Peut-être parce que, pour la première fois, la contrition de son père ne rejette pas la responsabilité du meurtre de sa mère sur la victime elle-même.

Jusque-là, il avait habitué les jurés au discours contraire. Et au matin de ce deuxième jour, il disait encore avoir tué sa femme en raison de son comportement et pour sauver les enfants de la vie dissolue qu’il la soupçonnait de mener en France après l’avoir quittée. Comment, pour ces ados, comprendre que leur père a tué leur mère parce qu’il les aime ?

«Il a adopté une position de victime de la victime»

La cour a, elle aussi, besoin d’y voir clair et trouve un peu de lumière dans les expertises psychologique et psychiatrique. Elles retiennent toutes deux « une personnalité dominée par une psychorigidité et marquée par une froideur affective […] Sa femme et ses enfants lui appartenaient en propre. » Mais leur mère les a conduits loin de lui. Contraint de les suivre alors qu’il ne le voulait pas, « il a adopté une position de victime de la victime ».

Une position « pour le moins paradoxale », pour l’avocat général Jean-Marie Beney. « Quelque chose m’échappe », ajoute le ministère public dans ce raisonnement voulant qu’il ait tué sa femme parce qu’elle est la source de son problème. « Il n’a pas su gérer sa frustration », analyse Me Hélène Feitz, pour la partie civile des enfants. Il n’est pas sûr que l’accusé comprenne la gravité de son crime, s’interroge son confrère Me Joseph Roth, qui soutient les proches d’Elvira, eux aussi plaignants. « Il n’a pas consenti à accepter qu’elle vive différemment de ses valeurs et de ses codes. Elle était en quête d’amour et c’est ce qu’il n’a pas supporté. »

Idéalisation et rigidité

C’est aussi par la personnalité de son client que va passer la défense. Me Amadou Cissé tente d’effacer le portrait souvent évoqué du père et du mari violent et alcoolique. Il évoque « l’ambiguïté » (sur laquelle s’accorde aussi la partie civile) de la victime, qui passait encore des nuits avec l’accusé. « Elle s’est jouée de lui […] vous devez vous interroger sur la nature de leur relation, sur les cultures, les croyances et les peurs de mon client. »

Elles ont conditionné la réaction d’un homme qui, «intellectuellement, refusait d’admettre qu’il était amoureux d’une femme qui allait avec tous les hommes », au point qu’il a semblé découvrir la réalité et la vie libre de sa femme. L’idéalisation de sa vie de couple et sa rigidité la lui auraient rendue insupportable.
Peut-être, mais les jurés ont estimé que le crime méritait le quantum demandé dans les derniers mots d’un réquisitoire ciselé par l’avocat général. 18 ans.

Frédéric Clausse/RL

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