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Procès LuxLeaks : retour sur les quatre premières journées d’audience


Antoine Deltour devant le tribunal de Luxembourg, où il comparaît depuis mardi dernier. (photo AFP)

Depuis le mardi 26 avril, les Français Antoine Deltour (30 ans), Raphaël Halet (39 ans) et Édouard Perrin (44 ans) à l’origine des révélations sur l’affaire LuxLeaks comparaissent devant la 12e chambre correctionnelle du tribunal de Luxembourg.

Comme l’ex-auditeur Antoine Deltour, l’ex collaborateur de PwC Raphaël Halet est accusé de vol domestique, de divulgation de secrets d’affaires, de violation de secret professionnel et de blanchiment des documents volés chez PwC.

Le journaliste Édouard Perrin, quant à lui, doit répondre comme coauteur des infractions de divulgation de secrets d’affaires et de violation du secret professionnel et, comme auteur, de l’infraction de blanchiment détention des seuls documents soustraits par Raphaël Halet.

Le procès LuxLeaks entame mardi matin sa deuxième semaine. Où en sont les débats ? Le Quotidien fait le point des quatre premières journées d’audience.

Première journée (26 avril 2016) : faille informatique

C’est dans une salle comble que le procès LuxLeaks s’ouvre sous l’œil d’une quarantaine de médias nationaux comme internationaux. Audience lors de laquelle les trois prévenus prennent une première fois position par rapport aux infractions qui leur sont reprochées. «Je reconnais la matérialité des faits», affirme ainsi Antoine Deltour. Raphaël Halet dit pour sa part : «Je conteste la qualification de certains faits.» Enfin, le journaliste Édouard Perrin déclare : «Je conteste.»

Dans la foulée, Anita Bouvy, l’auditrice de PwC, présente son rapport d’enquête interne révélant une faille informatique. À la demande de Me William Bourdon, l’avocat français d’Antoine Deltour, elle confirme : «Oui, les documents étaient faciles d’accès.» Ce qui a permis au lanceur d’alerte d’accéder le 13 octobre 2010 à 2 669 documents et de les copier en 29 minutes. Raphaël Halet, quant à lui, avait libre accès aux documents dérobés en tant que membre, depuis 2011, de la cellule «tax process support» chargée notamment du scanning de centaines de documents de PwC. C’est ainsi qu’en 2012 il soustrait 16 fichiers contenant des déclarations fiscales d’entreprises clientes.

Deuxième journée (27 avril 2016) : «Anticapitaliste»

L’effervescence de la veille est retombée. L’affluence est beaucoup moins importante, y compris du côté des médias étrangers. Le commissaire de la police judiciaire Roger Hayard révèle la chronologie de l’enquête et le rôle qu’ont joué les trois prévenus. Il qualifie Antoine Deltour d’«anticapitaliste» en relevant notamment le fait qu’il est abonné à des newsletters de mouvements verts et suit l’actualité du journal Mediapart. Le journaliste, Édouard Perrin, quant à lui, aurait «tout orchestré» après avoir été contacté par Raphaël Halet. L’enquêteur retient, en outre, qu’il n’a «vraiment pas été communicatif» lors de sa comparution devant le juge d’instruction. La défense finit par douter de la manière dont l’enquête a été menée : n’a-t-elle pas été davantage conduite par PwC que par la police judiciaire ?

En fin d’audience, la défense apprend que son témoin tant attendu Marius Kohl – l’ancien préposé du fameux bureau 6 de l’imposition des sociétés – ne témoignera pas. II a remis un certificat médical pour la durée du procès.

Troisième journée (28 avril 2016) : «Changements de pratiques»

L’audience est suspendue au bout d’une heure. Car seuls trois témoins de la défense sont disponibles ce jour-là. Parmi eux, l’eurodéputé allemand Sven Giegold (les Verts), également membre de la commission spéciale TAXE du Parlement européen chargée, à la suite du scandale LuxLeaks, d’enquêter sur la pratique des rescrits fiscaux. À la demande de la défense, le témoin détaille l’impact de la publication des documents confidentiels. «Sans lanceur d’alerte, on n’aurait pas eu de changement de pratiques», résume-il. En fin d’audience, la défense annonce avoir cité le supérieur hiérarchique de Marius Kohl. Le directeur de l’administration des Contributions directes, Guy Heintz, est convoqué pour le lendemain par le biais d’un huissier de justice.

Quatrième journée (29 avril 2016) : PwC travaille pour le fisc

Les 35 minutes d’audition du témoin Guy Heintz ne font pas lumière sur le fonctionnement et les procédures suivies concernant la vérification et la validation des rulings. Le témoin s’appuie sur trois textes légaux : le « code pénal», le «statut des fonctionnaires » et le « secret fiscal ». La majorité des questions posées par la défense restent sans réponse. Tout ce qu’on apprend, c’est qu’une cinquantaine de personnes étaient affectées en 2010 au bureau 6.

10 h 15 : Tous les témoins ayant été entendus, l’audition des trois prévenus peut commencer. Raphaël Halet est le premier à être entendu à la barre. L’ancien responsable de la numérisation des documents de PwC au Luxembourg explique avoir été « choqué» après avoir visualisé l’émission Cash investigation, réalisée par Édouard Perrin, en mai 2012. «J’ai compris davantage le contenu des documents qu’on voyait passer [chez PwC].» En divulguant au journaliste 16 déclarations fiscales de sociétés clientes, il dit avoir « fait (so)n devoir de citoyen ». Mais la suite de ses propos diffère de la version qu’il a donnée devant le juge d’instruction en janvier 2015. À la barre, Raphaël Halet disculpe le journaliste Édouard Perrin. Il soutient que ce dernier ne lui a pas demandé de documents précis. Le parquet s’interroge sur ce revirement.

L’audience se termine d’une manière quelque peu habituelle. Le tribunal accepte que Me Bernard Colin interroge son propre client. À partir de toute une série de questions, Raphaël Halet déballe le système des rulings tel que pratiqué par PwC à l’époque. Il estime à 40 à 50 le nombre de tax rulings qui partaient le mercredi après-midi au fameux bureau 6 d’imposition des sociétés de Marius Kohl. Les rulings partaient à 13 h 30 pour revenir à 17 h 30. Selon le prévenu, les trois quarts revenaient signés. Et PwC s’occupait également d’imprimer les rescrits sur papier à en-tête de l’administration des Contributions directes.

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La suite des débats

Le procès LuxLeaks se poursuit ce mardi matin avec l’audition d’Antoine Deltour. Suivront celle du journaliste Édouard Perrin, les plaidoiries des avocats, puis le réquisitoire du parquet. Initialement, six audiences étaient prévues pour le procès. Le président de la 12e chambre correctionnelle a d’ores-et-déjà annoncé que si les débats ne sont pas achevés mercredi soir, le procès se poursuivra le mardi 10 mai.

Fabienne Armborst