Plus de 11 000 Roms ont été évacués de force de leurs campements en France en 2015, selon un rapport publié mardi par deux associations qui dénoncent une politique «indigne, inhumaine et dégradante».
«Durant l’année 2015, 11 128 personnes se sont fait évacuer de force par les autorités de 111 lieux de vie», indiquent la Ligue de droits de l’Homme (LDH) et l’European Roma Rights Center (ERRC) dans leur rapport annuel.
De plus, «410 personnes ont dû quitter cinq lieux de vie suite à un incendie», ajoute le rapport, élaboré sur la base de données recueillies auprès des «sources les plus fiables» (articles de presse, communiqués, témoignages directs transmis par les ONG).
Au total, «60% des personnes occupant des bidonvilles ont été évacuées de force durant l’année 2015, dont la moitié durant les mois de l’été», ajoutent les associations.
L’année 2015 a notamment été marquée par l’évacuation, en août, du bidonville du Samaritain (à La Courneuve, en Seine-Saint-Denis), l’un des plus anciens de France, où vivaient quelque 300 personnes. Cette opération avait suscité de vives critiques, depuis l’évêché jusqu’au Défenseur des droits en passant par les associations.
Si la tendance générale pour 2015 est à la baisse, après 13 500 expulsions en 2014 et 19 000 en 2013, les associations s’alarment de l’absence quasi-généralisée de solutions de relogement.
Sur les 111 évacuations, «des solutions d’hébergement temporaires n’ont été proposées que 29 fois. À la suite des 82 autres évacuations, les familles ont été tout simplement mises à la rue par les forces de l’ordre», soulignent les associations, pour qui «la circulaire du 26 août 2012 n’est plus qu’une lettre morte».
Cette circulaire prévoit un diagnostic social des populations en amont des évacuations et un accompagnement en aval. «Cette politique d’expulsions est indigne car elle ne fait qu’aggraver la situation de précarité de ces personnes», selon les associations.
«Une évacuation provoque une triple rupture: scolaire, avec un arrêt de trois à six mois, médicale et économique car les gens perdent leur emploi», a souligné Philippe Goossens, référent de la LDH pour les Roms, lors d’une conférence de presse.
2015 a également été marquée «par des discriminations multiples» et «une montée des tensions au niveau politique», a pour sa part souligné Radost Zaharieva de l’ERRC, en rappelant par exemple le refus d’inhumer d’un bébé rom par le maire de Champlan (Essonne) en janvier.
Les évacuations forcées de Roms en France font l’objet de dénonciations régulières. En septembre, le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme, Zeid Ra’ad Al Hussein, avait déploré la «politique nationale systématique d’expulsions de force des Roms».
Le rapport note par ailleurs que près de 80% des terrains évacués de force sont publics alors que «seuls 5% de ces terrains publics font l’objet d’un projet justifiant» l’expulsion. Le rapport rappelle enfin que l’Etat a récemment été condamné par le Conseil d’Etat à aménager la «jungle» de Calais, bidonville où se massent des milliers de migrants, et estime que «cette décision devrait faire jurisprudence».
Dans cette optique, les associations demandent «la suspension des expulsions systématiques, la sécurisation des bidonvilles et leur assainissement, la mise en place de solutions adaptées pour l’insertion des familles à travers le droit commun et ceci avant toute expulsion, pour toutes les familles et sur tout le territoire».
Comme en 2014, l’Ile-de-France est la région qui a concentré la majorité des opérations (62% des personnes évacuées).
La tendance pourrait se poursuivre car un important campement rom, comptant 300 personnes environ, est actuellement installé sur une portion de la «Petite Ceinture», une ancienne ligne de chemin de fer faisant le tour de Paris. La justice a donné en septembre son feu vert à son évacuation.
AFP/M.R.