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LuxLeaks : le journaliste Edouard Perrin débouté dans son référé contre PWC


Édouard Perrin devant le tribunal de Luxembourg en mai 2016, où il avait été poursuivi sur la foi de l'ordonnance contestée, violant le secret des sources des journalistes. (photo archives LQ)

Le tribunal de Metz a rendu hier sa décision dans l’assignation en référé de PWC Luxembourg par le journaliste français Édouard Perrin qui estime que le cabinet avait violé le secret des sources des journalistes en demandant la saisie de sa correspondance avec Raphaël Halet, l’un des deux lanceurs d’alerte de l’affaire LuxLeaks. Le journaliste a été débouté de sa demande et est condamné à verser 3000 euros à PWC. Edouard Perrin fera appel de cette décision.

Le président du tribunal de Metz, Pierre Wagner, estime dans sa décision rendue mardi qu’Edouard Perrin n’était pas fondé à demander la rétractation de l’ordonnance établie le 27 novembre 2014 qui a permis à PWC d’obtenir la preuve que Raphaël Halet était sa source dans la divulgation de déclarations fiscales de multinationales bénéficiant de considérables rabais d’impôts de la part de l’administration luxembourgeoise. Le magistrat appuie son argumentation sur le fait que le journaliste de Cash Investigation était connu depuis le 11 mai 2012, suite à la diffusion d’un reportage sur France 2 dans lequel était pour la première fois divulguée la pratique des tax rulings luxembourgeois.

Notant qu’Edouard Perrin a introduit sa demande de rétractation «trois ans après la mise en œuvre de l’ordonnance», le juge messin lui dénie «une quelconque habilitation à défendre l’intérêt général ou l’intérêt général des journalistes». Il condamne en outre Edouard Perrin à verser la somme de 3 000 euros à PWC, en remboursement des frais de justice engagée par la multinationale.

Le secret des affaires prime

De même, le tribunal déboute le lanceur d’alerte Raphaël Halet qui s’était joint à la procédure sous le motif que l’ancien salarié de PWC Luxembourg avait conclu un accord transactionnel avec son employeur par lequel il s’engageait à ne pas attaquer l’ordonnance violant la source des journalistes. Le juge Pierre Wagner s’appuie également sur la décision de la cour de cassation de Luxembourg, le 11 janvier dernier, déniant à Raphaël Halet le statut de lanceur d’alerte. Ce dernier a indiqué qu’il portait l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’Homme.

«La saga continue», a réagi le journaliste d’investigation, joint à Paris par Le Quotidien. «Le juge avalise l’action de PWC dans la requête qu’ils ont utilisé pour tarir la source d’un journaliste», constate Edouard Perrin qui rappelle que le cabinet de services financiers a reconnu que tel était son but en audience devant le tribunal.

Le journaliste qui souligne qu’en sa qualité de président du collectif «informer n’est pas un délit» il se bat pour l’enjeu de la protection des sources des journalistes. «Dans sa décision, le tribunal fait primer le secret des affaires sur l’intérêt général», conclut Edouard Perrin qui en 2017 a été récompensé du prix Pulitzer avec les journalistes du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) pour leur révélation des Panama Papers. Cette distinction compte parmi les plus prestigieuses au monde dans le domaine du journalisme.

Conseil de Raphaël Halet, l’avocat messin Bernard Colin rappelle pour sa part que « l’intérêt général a été largement démontré dans le scandale LuxLeaks, ayant débouché sur des avancées internationales concrètes dans la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales ».

Le juge contredit le procureur

Edouard Perrin annonce qu’il fera appel de la décision rendue par Pierre Wagner. Cette décision du juge messin est d’autant plus incompréhensible que le procureur de Metz avait estimé dans des conclusions rendues en décembre que l’ordonnance de novembre 2014 violait la protection des sources. Cette prise de position était d’autant plus notable qu’il est un fait rare que le procureur se saisisse d’un dossier dans une affaire au civil.

L’ordonnance attaquée par Edouard Perrin et Raphaël Halet avait permis la saisie, le 28 novembre 2014, au domicile du lanceur d’alerte de copies de mails démontrant qu’il était l’un des informateurs du journaliste. Raphaël Halet, tout comme Antoine Deltour, l’autre lanceur d’alerte de l’affaire LuxLeaks, était tous deux employés par PWC, mais ils ne se connaissaient pas.

C’est sur la base de ces mails qu’Edouard Perrin a ensuite été poursuivi pénalement au Luxembourg en même temps que Raphaël Halet et d’Antoine Deltour, le premier lanceur d’alerte de cette affaire.

Fabien Grasser