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Luxembourg – France : 7 octobre 1978, le trésor caché de Romain Michaux


Romain Michaux n'en était pas sûr mais son maillot de Maxime Bossis, si si, il l'a toujours! (photo Julien Garroy)

Même le dernier buteur luxembourgeois contre les Bleus commence à avoir du mal à se souvenir. Cela fait presque 40 ans. Une éternité d’attente.

Romain Michaux va-t-il enfin se trouver un successeur, samedi soir ? Cela fait 466 minutes que le Luxembourg, en 39 années d’affrontements relativement peu nombreux, n’a plus marqué contre son grand voisin.

Ça a commencé par une touche de Camille Neumann, un petit gars du Progrès Niederkorn. À destination de Romain Michaux, attaquant des Red Boys qui va entrer dans l’histoire quelques secondes plus tard. On est le 7  octobre 1978, le stade Josy-Barthel est plein de 12  650  spectateurs et Marius Trésor s’apprête à intervenir. « Je vois qu’il arrive derrière moi , raconte Romain Michaux. Alors là, je lui passe un lob .» Apparemment, on n’appelait pas encore ça le coup du sombrero, à l’époque, mais le résultat est le même  : le grand Marius, un des meilleurs défenseurs centraux du continent, se retrouve coiffé à la mexicaine.

Voilà Michaux seul dans la surface à dix mètres du but. Maxime Bossis, l’autre défenseur central français, est déjà au sol, battu par le coup de reins de l’attaquant luxembourgeois au démarrage. Patrick Battiston, le natif d’Amnéville, est lui trop court pour revenir. Michaux a éliminé Trésor du droit, il reprend du gauche et bat Dominique Dropsy. C’est la 74 e  minute, c’était il y a 39  ans et depuis, malgré cinq confrontations, Michaux est le dernier Luxembourgeois à avoir planté un but aux Bleus.

«Marius, c’était un galant»

Cette action –  l’histoire de sa vie d’international car, malgré 30  sélections, il n’a inscrit qu’un but (mais un but d’anthologie)  –, a vampirisé l’esprit de Romain Michaux. Il s’en souvient presque au centimètre près, dirait-on. Et de ce qu’on en a dit dans la foulée  : « Beaucoup de gens ont dit  : « Oh putain, le pauvre Marius… » » À dire vrai, ça l’aurait presque gêné de faire ça à ce mythique joueur de l’OM tant il l’aimait  : « Qu’est-ce qu’il maniait bien la balle Marius (NDLR  : il venait d’ailleurs d’inscrire le 0-2 au bout d’un slalom qui l’avait vu éliminer trois Luxembourgeois). Ce n’était pas un violent. Un vrai galant, un gars que j’admirais. Il faut dire qu’à l’époque, je regardais tous les matches de l’équipe de France et que j’adorais Rocheteau .»

«Joachim, il me plaît! Il fonce!»

Le reste est par contre tellement diffus que l’ancien Red Boy doit fouiller sa mémoire (qui, il l’avoue, « n’est plus très bonne ») puis les archives pour rassembler les morceaux du puzzle. Du nom du sélectionneur (« Ce n’était pas Louis Pilot? ») à ce qui s’est passé dans les heures et jours qui ont suivi (« En général, la FLF nous payait le repas, mais je ne sais pas si elle l’a fait cette fois-là. En retournant à l’aciérie, à Differdange, je ne me rappelle plus si les gars ont organisé quelque chose pour fêter ça »).

De toute façon, on ne lui en parle plus, à Michaux, de ce but. On dirait que tout le monde a oublié. En même temps, c’était il y a presque 40  ans et même chez lui, les traces commencent à s’effacer. « Je me demande si mon maillot de Maxime Bossis, récupéré ce jour-là, n’a pas disparu quand j’étais entraîneur des scolaires de mon village de Lamadelaine. À l’époque, j’en avais beaucoup distribué de ces vieux maillots. »

Mais assez du passé! Romain Michaux veut croire que la sixième sera la bonne, qu’il va enfin se trouver un digne successeur, samedi soir. « Je regarde un peu les matches de la sélection. Ils se battent pas mal! Holtz fait un bon boulot et il y a quand même un autre style de jeu qu’à mon époque. Alors ça fait 40  ans sans buteur, mais il y a aussi un facteur chance. J’espère que ça va changer ce week-end. Pourquoi pas grâce à Joachim? Il me plaît bien celui-là! Il fonce .» Un ancien Differdangeois? Ce serait parfait pour le symbole, ça… « Ah il a joué aux Red Boys? » Non monsieur Michaux, les Red Boys, ça n’existe plus. « Ah oui, il faut dire que je ne suis plus trop .» Que ça passe vite 40  ans.

Pour se hisser au niveau de la légende, il faudrait qu’un gars du F91 (tiens, Da Mota, tellement fort en touches longues) serve un gars du Fola (pourquoi pas Bensi, dans un rôle de joker?) et que ce dernier grille de vitesse Laurent Koscielny, indéboulonnable de l’axe central des Gunners d’Arsenal, passe un petit pont à Samuel Umtiti, défenseur central du Barça, et crucifie Hugo Lloris, portier de Tottenham.

Là, ça aurait presque autant de gueule et on pourrait tranquillement attendre l’année 2057 avant d’interroger le bon Stefano pour savoir s’il a encore dans son armoire le maillot de Blaise Matuidi et si un gamin qui sera né en 2032 a une chance de le rayer des tablettes en tant que dernier buteur face à la France…

Michaux sera-t-il là pour voir ça? « Je ne sais pas encore, glisse-t-il malicieusement. Peut-être que je vais recevoir une place dans les jours à venir .» Espérons qu’il se forge de nouveaux souvenirs.

Julien Mollereau