La Commission européenne a interdit mercredi le projet de fusion des Bourses de Londres et Francfort, une opération annoncée en grande pompe il y a un an mais fragilisée par le Brexit.
« La concentration entre Deutsche Börse et London Stock Exchange aurait considérablement réduit la concurrence du fait de la création d’un monopole » en Europe, a expliqué la Commissaire européenne Margrethe Vestager, pour justifier sa décision, citée dans un communiqué. « Les parties n’ayant pas proposé les mesures correctives nécessaires pour lever les craintes en matière de concurrence que nous avions exprimées, la Commission a décidé d’interdire la concentration. »
Cette interdiction n’est pas une surprise. Les relations entre les deux fiancés paraissaient de plus en plus tendues ces derniers temps, se crispant notamment sur la localisation du centre de décision du nouvel ensemble. Et la décision des Britanniques de quitter l’UE après le référendum de juin 2016 avait davantage compliqué les négociations de fusion que ne l’avait escompté Deutsche Börse, selon des sources allemandes.
Hasard du calendrier, la procédure de divorce doit officiellement être déclenchée ce mercredi à la mi-journée par la Première ministre britannique Theresa May, ce qui ouvre une période de deux ans pour mener les difficiles négociations de retrait du Royaume-Uni. « Le Brexit a accru l’intérêt de la fusion vu de l’Allemagne et l’a réduit vu du Royaume-Uni », avait récemment commenté Benoît Le Bret, avocat associé chez Gide, représentant la partie tierce Paris Europlace qui fédère les acteurs de la place financière de Paris.
Faire du dumping ?
En effet, expliquait-il, l’un des débats actuellement en cours à la City de Londres est : doit-on se battre pour garder le passeport européen -dispositif qui permet de vendre un produit financier dans l’ensemble de l’UE après l’approbation d’un seul des régulateurs nationaux- ou en profiter pour se libérer des entraves réglementaires européennes et faire du dumping ? Avec cette fusion, les Britanniques auraient gardé la tutelle de la supervision européenne et allemande.
Fin février, LSE avait d’ailleurs lâché une petite bombe, en refusant de céder, comme le lui demandait Bruxelles, gendarme de la concurrence en Europe, sa part majoritaire dans MTS, une plate-forme d’échange électronique italienne spécialisée notamment dans les obligations d’États européens. Une décision que Deutsche Börse avait dit regretter. D’autant plus que la Bourse de Londres avait reconnu qu’elle entraînerait très certainement l’interdiction de la fusion. Dès lors, on pouvait imaginer que si aucun des deux groupes n’avait rompu les fiançailles, c’était surtout pour ne pas avoir à payer le « chèque de rupture » à l’autre, selon un bon connaisseur du dossier.
C’est la troisième fois que LSE et Deutsche Börse tentaient de s’unir : les deux opérateurs avaient par deux fois échoué, en 2000 et 2005. Deutsche Börse avait également essayé sans succès de se marier en 2011 à NYSE Euronext, avant qu’Euronext ne sorte du giron du groupe américain. Les interdictions de fusion par la Commission européenne, gardienne de la concurrence dans l’UE, sont assez rares, en moyenne une par an. La dernière remonte au 11 mai 2016 et impliquait déjà la Grande-Bretagne : elle avait alors bloqué le rachat par le conglomérat hongkongais Hutchison Whampoa de l’opérateur britannique de téléphonie mobile O2, détenu par l’espagnol Telefonica, par crainte notamment d’une hausse des tarifs pour les consommateurs du Royaume-Uni.
Le Quotidien/AFP