Les députés français ont validé mercredi soir une définition élargie du lanceur d’alerte, en nouvelle lecture du projet de loi Sapin II sur la transparence, afin de couvrir les situations du type de celle d’Antoine Deltour, condamné pour avoir révélé les pratiques fiscales des grandes multinationales au Luxembourg.
« Il n’est pas acceptable qu’une personne qui a pris des risques personnels élevés au bénéfice de l’intérêt général soit condamné pénalement. Il est du devoir de la société de protéger les Antoine Deltour », a plaidé le ministre français des Finances Michel Sapin.
Selon le texte voté en commission et confirmé dans l’hémicycle, un lanceur d’alerte « est une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France (…) de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance ».
Antoine Deltour est un lanceur d’alerte français, à l’origine du scandale LuxLeaks. Ancien employé par la firme d’audit PricewaterhouseCoopers, il a été condamné fin juin à 12 mois de prison avec sursis pour avoir rendu publiques des milliers de pages confidentielles sur les pratiques d’optimisation fiscale des multinationales au Luxembourg.
Rien au niveau européen
S’agissant d’une législation française, ce texte ne l’aurait pas protégé devant la justice luxembourgeoise, devant laquelle il comparaîtra de nouveau en appel les 12, 19 et 21 décembre. La protection des lanceurs d’alerte du type d’Antoine Deltour au niveau européen reste ainsi très lacunaire, ce qu’avaient souligné les magistrats luxembourgeois pour justifier leur décision de le condamner.
Le projet de loi français crée un cadre de protection des lanceurs d’alerte avec des mesures contre l’entrave ou les représailles. Il prévoit une gradation des canaux de signalement de l’alerte : d’abord le déontologue de l’entreprise ou de l’administration concernée, ou à défaut le supérieur hiérarchique; ensuite les interlocuteurs externes (justice, autorité administrative, ordres professionnels…) et en dernier ressort, la divulgation à l’opinion publique.
Les entreprises de plus de 50 personnes, les communes de plus de 10.000 habitants et les administrations de l’Etat devront mettre en place des procédures de recueil des signalements.
La majorité a rejeté des amendements du député LR Olivier Marleix qui voulait revenir sur une définition plus restrictive, comme le voulait le Sénat, sanctionner les auteurs de dénonciations calomnieuses ou exempter les entreprises de moins de 250 salariés de procédures internes. « C’est la corruption qui pèse sur les entreprises, pas les formalités de dénonciation de la corruption », a rétorqué le rapporteur Sébastien Denaja (PS).
Le Quotidien / AFP