Philippe Knoche, directeur général d’Orano (ex-Areva) et président de la Société française d’énergie nucléaire (SFEN) juge que l’atome restera « une part importante de notre avenir ».
Ce patron défenseur du nucléaire réagit à la présentation cette semaine par le président Emmanuel Macron de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) pour les années à venir.
La France veut ramener à 50% la part du nucléaire dans sa production d’électricité et fermer 14 réacteurs à l’horizon 2035. Est-ce le signe que le nucléaire est en déclin ?
Non, le nucléaire est une énergie d’avenir. Avec d’abord deux sources qui le disent : le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), 90 chercheurs qui ont indiqué que pour contenir le réchauffement climatique, le nucléaire à lui tout seul n’est pas la solution mais il est indispensable dans les solutions, puisqu’il est décarboné. Le dernier rapport du GIEC utilise le nucléaire dans la quasi-totalité de ses scénarios. La deuxième chose, ce sont les déclarations du président de la République mardi qui a exprimé, en traçant une trajectoire de décarbonation à l’horizon 2050, une trajectoire de sortie des énergies fossiles. Et il a bien indiqué que le nucléaire était, selon lui, la manière de disposer d’une énergie fiable, décarbonée et à bas coût. La décision qui a été prise n’était pas celle que nous avons défendue lors du débat public de la PPE. Mais le nucléaire restera le socle de la production d’électricité en France avec 50%. Le nucléaire est une part importante de notre avenir. En France, notre électricité est bas carbone à plus de 95% et ça fait de nous un des pays les moins émetteurs de CO2 par habitant, deux fois moins que l’Allemagne (…) Si on regarde dans le monde, il y a soixante réacteurs en construction et ça permet de prévoir une augmentation de la production d’électricité nucléaire par rapport à celle des 400 réacteurs qui sont en fonctionnement aujourd’hui. Il y a aussi un avenir en termes de compétence, d’emploi. On recrute et la filière en France c’est 220.000 emplois hautement qualifiés.
Le recyclage pourrait être touché par l’arrêt de réacteurs
EDF va fermer des réacteurs qui utilisent du MOX, ce combustible fabriqué par Orano à partir du plutonium extrait des combustibles usés. Qu’est ce que cela signifie pour vous ?
Le ministère de la Transition écologique et solidaire a confirmé le choix du traitement-recyclage pour la gestion des combustibles usés. C’est un des éléments de la PPE et ça se comprend parce que le recyclage réduit le volume des déchets et il fait en sorte que d’ores et déjà 10% de l’électricité nucléaire produite provient de matières recyclées. Et puis à l’avenir on pourra augmenter ce pourcentage jusqu’à 20% voire plus. C’est un savoir-faire français qui est important, mais effectivement le recyclage pourrait être touché par l’arrêt de réacteurs. Il n’y aura pas d’impact à court terme sur le plan de charge des usines d’Orano en France. En revanche il pourrait y avoir un impact dès le milieu de la prochaine décennie. Certains réacteurs vont s’arrêter, mais d’autres qui ne recyclent pas encore peuvent démarrer le recyclage. C’est cela qu’il faut que l’on travaille avec EDF.
Vous êtes franco-allemand. Que pensez vous des stratégies différentes des deux pays: arrêt prioritaire du nucléaire en Allemagne et du charbon en France ?
Je ne peux pas juger l’Allemagne de façon générale. Mais même si, dans bien des domaines industriels, elle peut être prise en exemple, disons qu’en matière d’énergie, pour moi, l’Allemagne est le contre-exemple à ne pas suivre. Elle investit 25 milliards d’euros pour une transition énergétique qui n’est pas une transition écologique. Elle produit encore 40% de son électricité par du charbon. Je respecte les choix de l’Allemagne, mais ils ne sont pas applicables à la France. On a des avantages en France et si on regarde la production d’électricité en Allemagne, c’est plus de CO2 et une électricité plus chère pour le particulier. L’exemple pour moi, c’est plutôt le mix français.
AFP