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L’embarrassante question des dépouilles des jihadistes


Hommage le 15 novembre 2015 aux victimes des attentats autour du restaurant "Le Carillon", à Paris. (Photo : AFP)

Enterrés en toute discrétion, récupérés par leurs familles, rapatriés dans le pays d’où ils sont originaires? Les corps des auteurs des attentats du 13 novembre sont bien encombrants pour les autorités.

La loi prévoit plusieurs cas de figure, rappelle François Michaud-Nérard, directeur général des Services funéraires de la Ville de Paris: «Ou les familles les réclament, ou pas. Si les familles les réclament, les défunts ont droit à une sépulture à l’endroit où ils résidaient, là où ils sont décédés, ou là où la famille a une sépulture familiale.»

Si les familles ne souhaitent pas organiser des obsèques, c’est aux communes concernées de s’en charger. Dans tous les cas, même «s’il ne peut pas y avoir obligation de faire une tombe anonyme, c’est dans l’intérêt de tout le monde», estime M. Michaud-Nérard. Les autorités redoutent en effet que les sépultures des terroristes soient l’objet de «pèlerinages».

Sept jihadistes sont morts le 13 novembre. Trois près du Stade de France (Bilal Hadfi et deux hommes ayant présenté des passeports syriens dont l’identité reste à confirmer), trois au Bataclan (Omar Ismaïl Mostefaï, Samy Amimour et un troisième homme non identifié) et Brahim Abdeslam, qui s’est fait exploser devant un bar parisien.

Trois autres sont morts lors de l’assaut de l’appartement de Saint-Denis le 18 novembre: Abdelhamid Abaaoud, organisateur présumé des attentats, sa cousine, Hasna Aïtboulahcen, et un troisième homme non identifié.

Les mairies de Drancy, où vivait Samy Amimour, Courcouronnes, d’où est originaire Omar Ismaïl Mostefaï, et de Saint-Denis, où trois kamikazes se sont fait exploser aux abords du Stade de France, ont indiqué ne pas être informés de projets d’inhumations.

L’avocat de la famille Amimour, Alexandre Luc-Walton, explique que ses clients «attendent des nouvelles de l’Institut médico-légal. Ils n’ont pas encore de permis d’inhumer».

Plusieurs pays concernés

A l’exception d’Abdelhamid Abaaoud, l’organisateur présumé des attentats, Belgo-Marocain, et de ceux dont l’identité reste à vérifier, les jihadistes sont français. Brahim Abdeslam et Bilal Hadfi résidaient en Belgique mais étaient de nationalité française.

Ils pourraient être inhumés dans l’un des cimetières parisiens qui disposent d’un carré musulman, comme celui de Thiais (Val-de-Marne) où a été enterré Amedy Coulibaly, l’auteur de la sanglante prise d’otages de l’Hyper Cacher. Mais au cimetière de Thiais, on indique qu’«il n’y a pas eu de demande d’inhumation de terroristes».

Auteure de «Que faire du corps des jihadistes?» (éd. Fayard), Riva Kastoryano note que les précédents auteurs d’attentats «ont été enterrés en France, pays de citoyenneté, pays de résidence des parents».

Lorsque plusieurs pays sont concernés, «tout dépend des relations entre les deux Etats», qui se renvoient «la responsabilité de la radicalisation», explique la directrice de recherche au CNRS. Dans le cas de Mohamed Merah en 2012, ni la ville de Toulouse où il vivait, ni l’Algérie d’où il était originaire ne voulait se charger de l’embarrassant cadavre.

«Le maire voulait qu’on reporte, mais le fait de laisser le corps à la morgue lui donnait de l’importance et faisait qu’on continuait à parler de lui», se rappelle Abdallah Zekri, alors délégué de la grande mosquée de Paris dans le Sud-ouest, sollicité par la mère de Merah pour prendre l’affaire en main. «Moi je voulais qu’on le mette rapidement six pieds sous terre et qu’on n’en parle plus.»

La dépouille de Mohamed Merah avait finalement été ensevelie sans sépulture ni nom, dans un cimetière de banlieue toulousaine, en dehors des horaires d’ouverture. «On l’a enterré dans le carré musulman, tout à fait au fond. Certaines familles musulmanes ne souhaitaient pas qu’il soit inhumé à côté d’un des leurs», raconte M. Zekri.

Et si une quarantaine de proches avaient participé à l’enterrement, quittant les lieux en criant «Allah Akbar», aujourd’hui, selon M. Zekri, «on constate que personne ne va sur la tombe de Merah».

AFP/M.R.

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