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Vamos à la Payal


Si Ben Payal ne quitte pas sa casquette depuis cinq ans, c'est qu'il y a une raison : «J'étais tout le temps malade après les matches. Ma mère m'a dit que c'était parce que j'avais les cheveux mouillés et que je devais me couvrir la tête. Depuis, je suis moins souvent malade.»

Ben Payal (27 ans, 69 sélections), qui fêtera ses dix ans de carrière internationale en septembre prochain, a duré grâce à sa fonction de trait d’union : entre le jeune et le vieux, le pro et l’amateur, le bon et la brute…

Que dit la légende? Que lorsqu’il avait 17 ans, Ben Payal a privilégié une histoire de cœur à un essai à la Lazio Rome. Les billets d’avion, envoyés par un dirigeant romain pour le milieu de terrain et son père, étaient là, sous ses yeux, couchés sur la table du salon du domicile familial de Lorentzweiler. Payal ne sait même plus s’il a hésité. Il ne se souvient que des motifs de sa décision finale. «J’étais trop attaché à la maison, je ne me voyais pas quitter mes parents. Et puis, il y avait cette fille dont j’étais fou amoureux… C’était ma première copine, je savais que si je partais, l’histoire ne durerait pas.»

Payal ne part pas, l’amour de jeunesse, si. La Lazio, qui s’était déjà heurtée à deux refus pour cause de gastro-entérite, puis d’angine, décide de son côté de s’arrêter sur ce troisième échec.

Plus tard, deux autres occasions d’aller monnayer son talent à l’étranger n’ont pas plus abouti. En octobre 2010, d’abord, après avoir réalisé son meilleur match international à Saint-Symphorien contre l’équipe de France (2-0), «une dizaine d’agents» prennent contact avec lui. Ils ont vu le cauchemar qu’il a fait vivre à Yoann Gourcuff et sont persuadés que des clubs de Ligue 1 sont prêts à l’accueillir.

« Partir ? Maintenant, c’est trop tard »

(photo Jeff Lahr)

(photo Jeff Lahr)

Le soufflé retombe rapidement, toutefois un peu moins vite qu’en 2013. Lors du déjeuner d’avant-match entre le Dinamo Zagreb et le Fola, les dirigeants croates, impressionnés par Payal à l’aller, tâtent le terrain auprès de leurs homologues eschois. Le prix évoqué est indécent, l’intérêt des Croates part en fumée. «J’avais 25 ans, c’était vraiment l’âge limite. Maintenant, c’est trop tard.»

Ben Payal n’est pas pro, mais essaye de compenser ce manque grâce aux frissons que lui procure la sélection nationale et à une vie pas si mal au Luxembourg. Le tableau est assez facile à lire : ici, tout le monde l’apprécie, avant tout dans le milieu du football, ce qui représente une vraie prouesse compte tenu du pedigree d’un joueur qui est passé par la Jeunesse, le F91 et le Fola, soit trois clubs qui se détestent mutuellement.

« Je suis un vrai gentil »

«On vient d’aller jouer à Dudelange. J’ai parlé avec les supporters et tout s’est bien passé. Si j’ai des relations comme ça avec les gens, c’est juste parce que je suis quelqu’un de normal. C’est la même chose en sélection, j’aime tous les joueurs, je ne regarde pas quel âge a le mec, combien de sélections il a ou dans quel club il joue. Dans la vie, c’est plus facile d’avoir le respect des gens quand tu ne te comportes pas trop comme un connard avec eux. Moi, si j’ai une image de gentil, c’est parce que je suis un vrai gentil.»

Gentillesse ne veut pas dire naïveté. Il y a de la malice et beaucoup de vice chez ce garçon. Cela se détecte dans son regard brillant et ailleurs. Le jour où Joël Kitenge a quitté la sélection, il s’est vite positionné pour récupérer le prestigieux numéro 10 qui ne correspond en rien à son poste, mais avec lequel il joue désormais depuis quatre ans. Payal fonctionne avec une règle très simple : tous les coups sont permis tant qu’on ne se fait pas prendre en flagrant délit. Ce mode de vie colle parfaitement au rôle qu’il endosse quand il est sur le terrain.

« Je fais un sale boulot »

C’est toute la complexité de Ben Payal. «Vraiment gentil» dans le civil – quand bien même un «bad boy» se trouvait il n’y a pas si longtemps dans son adresse e-mail – il se transforme en ordure dans le match. «Luc Holtz me demande d’être méchant, d’être agressif. Il sait qu’un adversaire qui se prend des coups peut sortir de son match. C’est un sale boulot que je fais. Mais dans toutes les équipes, il faut un joueur comme moi. Au début, ce n’est pas évident de mettre le pied et de savoir à l’avance que tu vas faire mal au gars d’en face. Au bout d’un moment, tu t’y habitues.»

Le plus bel hommage que la profession lui ait fait remonte à ce fameux match à Metz contre les Bleus. «Samir Nasri m’a dit que j’étais un fils de pute. J’ai pris ça comme un compliment, ça voulait dire que j’avais bien fait mon boulot.»

La scène n’aurait jamais eu lieu si Guy Hellers, son premier mentor, ne l’avait pas replacé à ce poste de milieu défensif axial, détectant d’immenses qualités de récupérateur, de tacleur, de briseur de jeu…

Jouer à Lintgen en toute fin de carrière

(photo Jeff Lahr)

(photo Jeff Lahr)

Licencié au FC Lorentzweiler de 4 à 15 ans, le petit Ben a pourtant d’abord cartonné comme avant-centre en plantant «à peu près 40 buts par saison» , jusqu’au jour où Hellers l’a fait reculer. Depuis, Payal n’a plus jamais marqué lors de ses 69 sélections, 22 matches de Coupes d’Europe et 185 rencontres de Division nationale. «D’ici à ce que j’arrête, j’en mettrai un» , promet-il.

Au pire, il se rattrapera lors de sa toute fin de carrière, qu’il imagine sous le maillot de Lintgen. «Tous mes copains sont là-bas! Lintgen et Lorentzweiler, ce sont des équipes que je connais par cœur. Je serai capable de faire des analyses tactiques de leurs matches, je connais toutes les caractéristiques des joueurs» , se marre celui qui s’est récemment délecté d’un Mersch-Feulen «pour le plaisir et aussi parce que le père de [s]a nouvelle copine va voir tous les matches de Mersch» .

Parties de pêche

Voilà de quoi sont faits les dimanches off de Ben Payal : de balades quelque part au Luxembourg. Parfois, cela se passe à Esch-sur-Sûre. Grand passionné de pêche, il a acheté il y a quelques années une petite barque dans laquelle quatre personnes peuvent prendre place. Une manière de briser la routine, car il en avait marre de devoir s’asseoir au bord de l’eau plutôt que de se situer au cœur du jeu… Ses copains de pêche sont des joueurs de foot : les Wiltzois Emko Kalabic et Edis Osmanovic ou bien le Folaman Tom Laterza et le milieu de Strassen Michi Kettenmeyer. Même son vieux complice de la sélection Gilles Bettmer s’y est essayé une fois. «Un échec total! Il est tombé à l’eau» , balance Payal.

FOOTIl suffit de voir le visage du neuvième joueur le plus capé de l’histoire des Roud Léiwen pour deviner que les années de complicité avec Gilles Bettmer ont une place à part dans son cœur. «Un jour, il est arrivé dans la chambre en criant : « Regarde ce super cadeau! » C’était une paire de gants de boxe roses. Pendant la sieste, je reçois un coup de poing sur le visage. Je me retourne, c’était Gilles qui me tapait. Ça m’a énervé. On a enfilé les gants, on s’est battus. Pendant un an, à chaque rassemblement, il venait avec ses gants. Les joueurs qui voulaient essayer venaient, ils se mettaient torse nu et se tapaient dessus, parfois fort. Je peux vous dire que j’ai vu de sacrés combats dans la chambre!» Une chambre qui, durant les cinq années de vie de couple de Bettmer et Payal, était égayée par la présence d’un cactus.

Vieux pote avec Pjanic

Ben Payal est encore trop jeune pour être quelqu’un de nostalgique. Il n’empêche qu’il lui arrive de penser à son pote Gilles Bettmer ou à un autre, Miralem Pjanic, avec qui il a joué en sélection des U13 aux U19. Au Luxembourg, la tendance est d’amplifier sa prétendue relation amicale avec le Bosnien depuis que ce dernier est devenu l’un des meilleurs milieux de terrain du monde grâce à ses performances à l’AS Rome. «Ça me fait un peu rire. Okay, Mire, il connaît du monde, mais il y en a certains qui parlent alors qu’ils n’ont plus de nouvelles de lui depuis dix ans!»

Le 15 octobre 2013, tard le soir, alors qu’il se balade dans les rues de Coimbra en compagnie de ses copains de la sélection avec qui il vient de perdre contre le Portugal (3-0), Ben Payal sent son téléphone vibrer. La Bosnie vient de se qualifier pour la Coupe du monde au Brésil en gagnant en Lituanie et Pjanic veut partager ça avec son vieux pote. L’intitulé du message? «Vamos a la playa!»

«C’était cool qu’il pense à moi à ce moment-là. Se qualifier pour un Mondial, c’est quelque chose de fort dans une vie. J’ai repensé à la première fois où je l’ai vu. Il était surclassé et je me suis dit : « Mais qu’est-ce qu’il fout ici celui-là? » Ensuite, je l’ai vu jouer : « Bon, si lui il n’arrive pas à faire une grande carrière, personne n’y arrivera au Luxembourg. »»

La carrière de Miralem Pjanic est grandiose. Celle de Ben Payal très honorable, même si l’histoire aurait été encore plus belle si ces deux-là s’étaient retrouvés lors d’un derby romain. Cela s’est joué à une histoire d’amour près.

Matthieu Pécot

Ben Payal en bref

27 ans (né le 8 septembre 1988)

Fils de Sylvie et Gaston, employés de banque à la retraite. Frère de Tom (32 ans)

Clubs : Lorentzweiler (jusqu’à 2005), Jeunesse Esch (2005-07), F91 Dudelange (2007-13), Fola Esch (2013 à aujourd’hui)

69 sélections nationales

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