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La crise des Le Pen devant la justice


Marine Le Pen avait fait adopter la suspension de son père après une nouvelle salve de provocations début avril de celui qui cofonda le FN en 1972. (photos AFP)

Jean-Marie Le Pen conteste ce vendredi devant la justice sa suspension du Front national par les instances dirigeantes du parti qu’il a cofondé, qui se réunissent au même moment pour évoquer la suppression de son titre de président d’honneur.

M. Le Pen, bientôt 87 ans, est arrivé au tribunal de grande instance de Nanterre (Hauts-de-Seine) sans faire de commentaires, encadré par des policiers et son service d’ordre et dans un climat électrique marqué par de violentes bousculades. A l’ouverture de cette audience qui vise à trancher dans l’urgence un litige sur le fond, la présidente a appelé au calme, visiblement agacée par le brouhaha à l’entrée et de premiers échanges très vifs entre les parties.

Le chef historique du FN pendant près de 40 ans, impassible à l’audience, demande l’annulation de sa suspension en tant qu’adhérent, prononcée le 4 mai lors d’un bureau exécutif, la plus haute instance du parti d’extrême droite, et conteste la « privation de ses droits » en tant que président d’honneur qui en a découlé, estimant que cette fonction n’est pas liée à sa qualité d’adhérent.

Le conseil du Front national, Me Frédéric-Pierre Vos, a soulevé en préambule une exception d’incompétence, estimant que le TGI ne peut se prononcer sur la question. « Une volonté manifestement dilatoire d’enterrer ce dossier », a balayé l’avocat de M. Le Pen.

Marine Le Pen avait fait adopter la suspension de son père après une nouvelle salve de provocations début avril de celui qui cofonda le FN en 1972, guère nouvelles sur le fond: répétition de sa vision plusieurs fois condamnée par la justice des chambres à gaz, « détail » de l’Histoire, défense du maréchal Pétain, du « monde blanc » et critique en règle de la démocratie.

La présidence d’honneur du FN sur la sellette

La présidente du FN avait aussi annoncé un congrès extraordinaire, qui se déroulera en juillet par courrier. Objectif, selon Florian Philippot, l’un des vice-présidents du parti: « Moderniser les instances », « rationaliser les statuts » mais surtout en « supprimer la présidence d’honneur » dont « le Menhir » jouit depuis 2011, qui le rendait membre de droit de toutes les instances internes, à vie selon lui. D’autres membres du bureau exécutif ont dit ne pas savoir si la suppression de la présidence d’honneur des statuts était tranchée.

Non loin du tribunal de Nanterre, au siège du parti, un bureau politique réuni vendredi depuis 10 heures devait fixer l’ordre du jour du congrès et notamment aborder cette question de la présidence d’honneur.

AFP

« Au voleur, mon FN ! »

M. Le Pen accuse le FN, son numéro 2 Florian Philippot en tête, de vouloir le « museler » avant le vote de ses 42 000 adhérents, et craint que sa suspension n’influence le cours du scrutin. Il s’agit-là d’un « long étouffement qui se produit depuis plus d’un mois pour le priver de toute représentativité » avant le congrès, a plaidé son conseil en tentant de démontrer que le bureau exécutif qui a suspendu M. Le Pen n’en avait pas la compétence. Et de citer les Tontons Flingueurs: la politique, « c’est du brutal ! »

« Au voleur ! Ma cassette ! Rendez-moi mon FN à moi ! », a rétorqué l’avocat du FN, dans un cri singeant l' »Avare » de Molière, rappelant que M. Le Pen ne s’est pas présenté au bureau exécutif qui l’a suspendu et ne peut donc en contester la décision.

Pour les proches de Marine Le Pen comme Florian Philippot et le trésorier Wallerand de Saint-Just, le sort de la présidence d’honneur de Jean-Marie Le Pen est scellé, quels que soient ses recours: le congrès, base militante acquise à la cause de la présidente du parti, devrait en effet suivre l’avis des instances du FN. Jean-Marie Le Pen « s’inclinera devant l’expression populaire du vote des adhérents », assure son conseil, prévenant toutefois qu’elle devra « intervenir dans des conditions véritablement démocratiques ».

Vendredi matin, Marine Le Pen a déclaré sur LCI et Radio Classique n’avoir « aucune crainte » quant à l’offensive engagée par son père, estimant que son cas était « déjà réglé » dans l’esprit des militants. La décision du tribunal devrait être mise en délibéré.

AFP