À 28 ans, l’attaquant international Joël Kitenge (29 sélections, 2buts) a annoncé mardi qu’il raccrochait les crampons pour se concentrer sur le resto qu’il a ouvert il y a une semaine à Baschleiden.
Pour croiser Joël Kitenge, il ne faudra plus aller à Grevenmacher, où il n’a été titularisé cette saison que trois fois (un but) avant de se blesser grièvement au genou et à la malléole. Désormais, c’est à Baschleiden, dans le nord du pays, que les choses se passeront : depuis mercredi dernier, son restaurant semi-gastronomique The Basch «fait entre 90 et 100 couverts par jour». «Je viens de prendre la décision la plus dure de ma vie, mais il fallait le faire, c’est un nouveau job qui prend du temps», indique un Kitenge ému, qui fait le bilan de sa carrière avec la poésie qui le caractérise.
Quelle est la personne qui va le plus vous manquer ?
Joël Kitenge : Il y en a trois : Saïd (Idazza), Titi (Thierry Steimetz) et Semir (Louadj). On parlait le même langage, sur et en dehors du terrain. Si un coach nous avait compris, on pourrait encore être à Dudelange et former un quatuor qui cartonnerait.
Et celle qui va le moins vous manquer ?
Le gars qui m’a cassé le pied, un arrière gauche de Norden 02, début septembre, en amical. Je revenais de vacances et Roland Schaack voulait me faire jouer un quart d’heure maximum. Mais ce jour-là, il n’était pas là et je me sentais bien. J’ai dit à son adjoint : « Allez, laisse-moi jouer une mi-temps, je suis bien. » Il m’a dit : « O. K., mais tu ne rentres dans aucun duel. » Au bout de 30 secondes, je fais un appel en profondeur et il y a ce mec qui arrive comme un âne…
Quel est le meilleur entraîneur que vous ayez eu ?
Guy Hellers ! Je l’ai eu à partir de 12 ans, quand je suis arrivé en sélection, puis comme sélectionneur national A et enfin, c’est un peu grâce à lui que j’ai pu signer à Dudelange. Hellers, il t’apprend à être un homme. Il apprend à se respecter soi-même et à respecter le football. Aussi, il ne fait pas un entraînement global mais il s’attarde sur les lacunes de chacun. Même si j’ai eu des problèmes avec Luc Holtz, j’avoue que ses entraînements m’ont aussi beaucoup plu.
Et le plus mauvais entraîneur, c’est qui ?
Philippe Guérard, au Fola ! Ses entraînements étaient incompréhensibles. On marchait et on devait jongler avec les mains, en tapant dans le ballon, comme au volley-ball. Bon…
La chose que vous avez faite et que vous regrettez le plus ?
Avoir accepté que Christian Payan soit mon agent. Quand il a vu que je cartonnais et que des clubs s’intéressaient à moi, il est arrivé et rien n’a fonctionné. J’étais en Allemagne, je suis allé faire un essai en Grèce, tout se passait bien. Brême et Schalke étaient sur moi. J’ai fait un essai à Venlo, où se trouvaient Dries Mertens et Nacer Chadli, qui jouent aujourd’hui à Naples et à Tottenham. Bref, j’avais des contacts, les clubs m’appelaient, mais Payan m’a dit un jour : « À partir de maintenant, je ne veux plus que tu leur parles, dis-leur qu’ils traitent uniquement avec moi ! » J’ai vite appris qu’il demandait plus d’argent pour lui que pour moi… Quand j’ai recontacté les clubs, c’était la fin du mercato, ils avaient tous recruté un autre attaquant. Je ne dis pas que j’aurais pu avoir une carrière incroyable à l’étranger, mais j’aurais quand même pu faire mieux si je n’avais pas rencontré ce type.
Votre plus beau but ?
Je l’ai marqué au pays de Galles, pour le premier match de Luc Holtz comme sélectionneur (NDLR : août 2010, 5-1). On est menés 1-0 et là, Gilles Bettmer fait ses dribbles et il me donne le ballon. Je fais un crochet à la Cristiano Ronaldo, j’ai deux mecs sur moi, je me retourne et à l’entrée de la surface, je frappe du gauche, barre rentrante !
Votre plus beau souvenir en sélection ?
Quand on a joué aux Pays-Bas (NDLR : novembre 2007, 1-0), à Rotterdam. Tu arrives, il y a 50 000 personnes, le stade est tout orange, en face de toi, il y a Clarence Seedorf, van Nistelrooy, et toi, t’es le petit Luxembourgeois, tu te demandes ce que tu fous là et tu te dis que tu vas prendre 15-0. En fin de compte, j’ai fait le match de ma vie et j’ai signé à Lienden (D3).
Et le plus mauvais souvenir en sélection ?
La période Holtz. Le premier match au pays de Galles, je joue et je marque. Je suis son premier buteur ! Trois semaines plus tard, on joue la Bosnie de mon pote Pjanic et là je me retrouve en tribunes (NDLR : à l’époque, son absence du groupe s’était expliquée par une histoire de passeport oublié). Match suivant : déplacement en Albanie, il ne me prend pas à cause de l’histoire de la bouteille de vodka (NDLR : au lendemain du match de la Bosnie, avant d’entamer le décrassage, Luc Holtz avait dégainé une bouteille de vodka trouvée dans la chambre de Kitenge et prié le joueur de faire ses valises). Je reste persuadé que c’était un moyen de m’écarter doucement du groupe. Si j’étais le seul à boire un coup après un match, ça se saurait, mais bon… J’aurais aimé qu’il me dise clairement qu’il préférait d’autres joueurs. Mais bon, tout est oublié. Je ne suis pas quelqu’un de rancunier. Quand on se croise, je lui serre la main poliment. Je ne vais pas lui cracher à la gueule quand même !
Parce qu’il vous a réintégré à l’équipe et permis par exemple de jouer contre la France le mois suivant ?
Non, juste parce que je ne suis pas rancunier et qu’il ne s’est rien passé de grave. C’est vrai que la France, c’est un bon souvenir. Je suis entré en cours de match à Metz (NDLR : octobre 2010, 2-0). Dans mon duel avec Philippe Mexès, il y avait beaucoup de corps-à-corps. Il me tripotait le bras et me disait : « Putain, t’es costaud ! »
Qui est le meilleur joueur que vous ayez croisé ?
Craig Bellamy ! Quand on a joué contre le pays de Galles, il était au top de sa carrière, il jouait à Manchester City. Il était inarrêtable. Petit, rapide, technique, il était vraiment impressionnant. Ce que je veux dire, c’est que quand tu joues contre Ronaldo, dans ta tête, tu es prêt. Tu te dis : « Allez, on va le prendre à deux ou trois et faire gaffe. » Là, bon, c’était le pays de Galles, on se disait : « C’est bon, c’est un nain, on va lui briser la jambe et ça va le faire. » Ça ne l’a pas fait du tout.
Le joueur le plus décevant ?
Yoann Gourcuff. Je pensais qu’il allait nous faire la misère, mais il ne faisait que des passes latérales, il n’était pas productif. Quand je le voyais, je me disais que tout ce qu’il faisait, j’étais capable de le faire.
Donnez-nous une bonne raison de vous rendre visite dans votre restaurant !
C’est simple, mon cuistot a participé deux fois à des concours mondiaux en Corée du Sud et il est revenu avec une médaille de bronze. Il a fait partie de l’équipe nationale du Luxembourg des cuistots. Les gens qui viendront vont bien manger et pour poursuivre la soirée, ils verront un Kitenge leur servir un cocktail inoubliable.
Quelle est la date à laquelle vous allez sortir de votre retraite et signer à Schifflange ?
Il y aura effectivement un come-back, mais ce ne sera pas à Schifflange. Dans un autre petit club, ça arrivera probablement. Aujourd’hui, je sais juste que je prends une décision difficile. Mais bon, j’ai fait tout ce qu’il y avait à faire pour un joueur du Luxembourg : j’ai joué à l’étranger, en équipe nationale, j’ai été en face de grands joueurs, j’ai été champion, j’ai joué dans les trois plus grands clubs du pays, j’ai fait des matches de Ligue des champions… Si c’est pour continuer sans s’entraîner, non, ça ne m’intéresse pas. Je préfère laisser la place à un mec plus investi que moi.
Entretien avec Matthieu Pécot
Sincèrement, je trouve que Holtz a très bien fait de l’ecarter de l’équipe nationale en 2010. Surtout si on vois les élements que compte la sélection d’aujourd’hui, c’est un tout autre niveau!
Sincèrement, je trouve que Holtz a très bien fait de l’ecarter de l’équipe nationale en 2010. Surtout si on vois les élements que compte l