Le procès d’un trafic présumé de bébés roms a débuté mardi à Marseille : dix personnes sont poursuivies, les unes pour avoir proposé des nourrissons à vendre pour quelques milliers d’euros, les autres, des couples stériles, pour avoir accepté ces offres.
C’est « un dossier de commerce d’êtres humains », résume le président du tribunal Fabrice Castoldi à l’ouverture de l’audience, « un puzzle de 2.000 pièces construit autour de quatre naissances ». L’une des prévenus, Fana Moise, la mère d’un des bébés vendus, est absente. Au total, neuf personnes se sont présentées devant le tribunal: cinq acheteurs issus de la communauté des gens du voyage, et quatre Roumains, tenus pour les organisateurs du trafic par l’accusation, qui comparaissent détenus, Ilie Ionita, 35 ans, et les compagnons de ses trois sœurs, Valeriu Rosu, 42 ans, Florian Stan, 33 ans, et Florin Coman, 25 ans. Poursuivis pour traite d’être humain, ils encourent 10 ans d’emprisonnement.
Interrogés par le président Fabrice Castoldi, les quatre hommes, assistés de deux interprètes, démentent, quitte à faire parfois des réponses évasives ou peu crédibles. Les 8 000 à 9 000 euros -les chiffres changent au fur et à mesure des interrogatoires dans la procédure et la BMW que lui donnent Mike et Carmen Gorgan après avoir récupéré son fils qui vient de naître à Marseille ? « Il n’était pas question de percevoir de l’argent, j’ai pris ça comme une aide pour les funérailles de l’oncle de ma compagne », explique Valeriu Rosu.
Valeriu Rosu est aussi accusée par une femme de « démarcher » de potentiels acheteurs en faisant des tours dans les caravanes des campements de gens du voyage, avec Ilie Ionita. « Il me serait impossible de faire ça, Dieu m’en est témoin », lance-t-il. Il va même jusqu’à inverser les rôles et suggérer que ce sont en réalité Mike et Carmen Gorgan -qui ont « acheté » son fils né à Marseille en juillet 2013- qui ont tout organisé.
C’était pas assez
Les deux concubins, eux aussi poursuivis, mais qui comparaissent libres, finissent par reconnaître que les détails financiers de l’arrangement ont bien été négociés avant la naissance du fils de Valeriu et Daniela Ionita, une des soeurs d’Ilie Ionita. Selon Carmen, Ilie Ionita leur demande même s’ils connaissent d’autres couples qui pourraient être intéressés.
Stériles, ayant déjà tenté quatre fécondations in vitro, eux apparaissent prêts à tout pour avoir un enfant. Le jour de la naissance, ils accompagnent Daniela à l’hôpital. Aujourd’hui, leur seul but est de récupérer l’enfant, placé quelques semaines plus tard, quand ils sont interpellés après qu’une dénonciation anonyme a attiré l’attention de la police à Marseille sur ce que l’accusation tient pour un réseau « particulièrement bien organisé ». L’enquête marseillaise est très vite rapprochée d’un cas similaire survenu en Corse. Cette fois-ci, selon l’accusation, c’est un petit garçon né en mai 2013 qui a été vendu, par une autre des soeurs d’Ilie Ionita, Fana Moise, et son compagnon, Florian Coman, à nouveau à un autre couple de gens du voyage, Marius Demestre et Kelly Sara.
Eux aussi poursuivis, Marius Demestre et Kelly Sara ont en revanche très vite récupéré l’enfant qu’ils avaient acheté dès sa naissance : alors âgé de plus d’un an, il avait très mal vécu son placement après leur interpellation. Deux autres cas de vente, qui n’ont pas abouti, sont également mis au jour par les enquêteurs, impliquant dans un cas encore l’enfant d’une troisième sœur d’Ilie Ionita, et dans l’autre, l’enfant d’un autre couple.
A chaque fois, le prix oscille entre 5.000 et 10.000 euros pour un enfant. Une fois l’accord passé, selon l’accusation, les acheteurs sont chargés d’accueillir jusqu’à son accouchement la mère biologique de l’enfant, acheminée depuis la Roumanie, avant de déclarer l’enfant auprès des autorités. Jonathan Demestre, le frère de Marius, propose, lui, 5 000 euros et un véhicule à Ilie Ionita: « C’était pas assez, il m’a demandé 8.000 euros et le (Mercedes) Sprinter », se rappelle le jeune homme à la barre, à propos d’une des deux transactions qui n’aboutira pas.
AFP