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France: Le consentement sexuel des mineurs en débat après des décisions judiciaires contestées


La France, contrairement à ses voisins européens, ne prévoit pas de seuil d'âge en dessous duquel la société considère qu'il ne peut y avoir de débat sur le consentement sexuel d'un enfant. (illustration AFP)

A partir de quel âge un mineur peut-il être sexuellement consentant? Deux récentes décisions de justice impliquant des filles de 11 ans ont mis en lumière les carences de la loi française, qui ne fixe pas de seuil contrairement à ses voisins européens.

Le débat a été relancé avec fracas depuis l’acquittement, la semaine dernière, d’un homme de 30 ans accusé d’avoir violé une fillette de 11 ans. Selon la cour, l’enfant était consentante car elle n’a pas fait l’objet de « contrainte, menace, violence ou surprise ».

Dans une autre affaire, le ministère public a décidé de poursuivre « pour atteinte sexuelle », et non « viol », un homme de 28 ans qui a eu des relations avec une fillette de 11 ans, jugeant là aussi que cette relation avait été consentie car sans contrainte physique, au grand dam de la famille qui avait porté plainte pour viol.

Depuis lors, parlementaires et responsables associatifs réclament une évolution législative. Une pétition intitulée « Viol d’enfant: changeons la loi car l’enfant n’est jamais consentant » a déjà recueilli 330 000 soutiens sur le site Change.org.

L’association féministe Les Effronté-e-s a appelé mardi à un rassemblement devant le ministère de la justice pour réclamer la fixation « d’un âge minimum à 15 ans » en dessous duquel une victime ne pourra jamais être considérée comme consentante. La France, contrairement à ses voisins européens, ne prévoit pas de seuil d’âge en dessous duquel la société considère qu’il ne peut y avoir de débat sur le consentement sexuel d’un enfant. En Europe, l’âge de la majorité sexuelle est variable.

Il est par exemple de 14 ans en Allemagne et de 16 ans au Royaume-Uni. La ministre française de la Justice Nicole Belloubet et la secrétaire d’État chargée de l’égalité femmes-hommes Marlène Schiappa se sont engagées à inscrire un âge limite dans leur projet de loi sur les violences sexistes et sexuelles attendu en 2018.

« L’âge de 13 ans pourrait être retenu », a précisé lundi la garde des Sceaux après que Marlène Schiappa a évoqué dimanche un âge minimal entre « 13 et 15 ans ». « En France, le droit se place du côté de l’auteur pour rechercher s’il a commis l’infraction et ne s’interroge pas sur le consentement de la victime », explique Jacquy Coulon, secrétaire national de l’Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire).

La loi actuelle française prend bel et bien en compte l’âge de la victime. Cela ne détermine cependant pas son consentement mais la lourdeur de la peine. Ainsi, un âge inférieur à 15 ans constitue une circonstance aggravante et la peine encourue passe de 5 ans à 7 ou 10 ans en cas d’agression sexuelle (donc sans pénétration) et de 15 à 20 ans en cas de viol (avec pénétration).

Mais ces peines ne concernent que les « actes commis par un adulte sur un mineur avec contrainte, menace, surprise ou violence ». Si la contrainte n’est pas retenue, la loi considérera qu’il n’y a pas eu agression sexuelle ou viol et ce, quel que soit l’âge de la victime.

Et c’est à la juridiction saisie d’apprécier le « consentement » du mineur, explique Jacquy Coulon. « Mettre une limite d’âge est fondamentale », juge cependant la psychanalyste Claude Halmos, spécialiste de l’enfance. « Un enfant ne peut être considéré comme consentant à 11 ans », dit-elle.

« Le consentement, c’est de pouvoir se représenter clairement ce dont il est question, d’être capable de juger sereinement si on veut ou pas », dit-elle. « On peut fixer cela à l’adolescence mais pas avant 15 ans et en étant prudent.

Car dire qu’il n’est plus un enfant ne veut pas dire qu’il est capable de comprendre ce qu’on lui veut, capable de résister et surtout, de se représenter ce dont il s’agit », fait-elle valoir.

Le Quotidien/ AFP