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Fiscalité : Apple et Dublin se dressent face à la Commission européenne


Les bâtiments d'Apple à Cork, le 2 octobre 2014, dans le sud de l'Irlande, où la firme américaine emploie 6 000 personnes. (Illustration : AFP)

Dublin s’insurge, Apple se rebiffe, Bruxelles s’obstine : quatre mois après la décision de la Commission européenne imposant au géant informatique de rembourser 13 milliards d’euros d’avantages fiscaux indus à l’Irlande, les trois parties ont durci lundi leur position.

D’abord l’Irlande, qui a rendu publique dans la matinée sa ligne de défense : «La Commission a outrepassé ses pouvoirs et violé la souveraineté» irlandaise concernant l’impôt sur les sociétés. Voilà maintenant plus d’un mois que ce pays a fait appel de la décision de Bruxelles le «condamnant» -paradoxalement- à récupérer ces 13 milliards d’euros d’impôts, ce à quoi il se refuse. En jeu : la réputation d’être «favorable aux affaires» qu’a l’Irlande, mais aussi le siège d’Apple en Europe, là où l’entreprise enregistre tous les bénéfices réalisés sur le Vieux Continent, ainsi qu’en Afrique, au Moyen-Orient et en Inde.

Le groupe américain y emploie 6 000 personnes, essentiellement à Cork, la deuxième ville la plus importante de la République d’Irlande, située dans le sud. Mais il y paie trop peu d’impôts, estime la Commission, à cause d’un accord fiscal passé pendant des années avec les autorités irlandaises qui lui aurait permis de ne soumettre à l’impôt qu’une infime partie des milliards gagnés. «Moins de 50 euros d’impôt pour chaque million d’euros de bénéfices» en 2014, d’après les calculs de la commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager.

Le reste des bénéfices était, a expliqué la Commission, placé dans un «siège» situé hors du pays, un fantôme sur lequel l’Etat irlandais se refusait à avoir un droit de regard. «Une aide d’Etat» et donc un frein à la concurrence, avait conclu Bruxelles fin août après des mois d’enquête, dont les détails -un document de 130 pages- ont été rendus publics lundi. «La Commission n’a pas compétence, selon les règles en matière d’aide publique, à substituer unilatéralement son propre point de vue concernant l’étendue géographique de la politique fiscale d’un Etat membre à celui de l’Etat membre lui-même», lui a répondu l’Irlande.

L’UE «tente de réécrire la législation irlandaise concernant l’impôt sur les sociétés», a même déploré le ministère, qui juge que l’enquête de la Commission comporte des erreurs.

Des années de procédure

Apple -présent en Irlande depuis les années 80- a surenchéri à la mi-journée, peu après avoir officiellement fait appel de la décision : la Commission européenne a «entrepris une action unilatérale et modifié les règles de manière rétroactive, au mépris de décennies de droit fiscal irlandais, de droit fiscal américain et du consensus mondial en matière de politique fiscale». Défense de l’entreprise californienne : les «produits et services» Apple étant «créés et conçus aux États-Unis», ils trouvent leur valeur aux Etats-Unis et c’est logiquement dans ce pays que l’entreprise doit être taxée -pas en Irlande, ni ailleurs en Europe.

«Apple est le plus grand contribuable dans le monde, aux États-Unis et en Irlande avec un taux d’imposition global d’environ 26%», souligne le géant informatique dans un communiqué. Reste que les milliards de bénéfices non taxés en Irlande ne l’ont, pour l’instant, pas été non plus aux États-Unis. Rien d’illégal, en vertu de la loi irlandaise, mais tant qu’Apple ne s’est pas décidé à rapatrier cet argent aux États-Unis, la somme échappe à l’impôt. «Ces bénéfices seront taxés aux États-Unis», a assuré lundi un porte-parole du groupe.

«Il est clair depuis le début de cette affaire que le résultat était connu d’avance», conclut Apple, qui a reçu dans la journée le soutien du Trésor américain. L’UE «défendra sa position devant la Cour», a commenté lundi un porte-parole de la Commission, désormais engagée avec Dublin et Apple dans une longue procédure devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) à Luxembourg. Elle devrait durer des années, au moins deux ans rien que pour une première décision du tribunal, sans compter un éventuel appel.

Le Quotidien/afp