L’état de grâce est bien terminé pour Gianni Infantino: élu le 26 février à la présidence de la Fifa pour réformer une instance gangrénée par la corruption, les trois premiers mois de mandat du successeur de Joseph Blatter sont loin de faire l’unanimité et les accusations pleuvent.
«La crise est terminée»: affirmait Infantino le 13 mai lors du congrès de la Fifa à Mexico. L’Italo-Suisse de 46 ans s’est probablement un peu avancé. Depuis, l’ancien bras droit de Michel Platini à l’UEFA fait l’objet d’attaques répétées dans la presse. Il y a quelques jours, le Frankfurter Allgemeine Zeitung affirmait qu’il a refusé le salaire qui lui a été proposé, le jugeant insuffisant.
Jeudi, le journal allemand Die Welt affirmait qu’Infantino pourrait faire l’objet d’une enquête de la commission d’éthique. Selon le quotidien, le N.1 du foot mondial encourrait une suspension provisoire de 90 jours pour avoir demandé dans des courriels la destruction de l’enregistrement des minutes où la question de son salaire était évoquée lors dernier Conseil (gouvernement de la Fifa) tenu à Mexico.
«Aucune procédure formelle n’a été ouverte contre M. Infantino», a répondu vendredi Roman Geiser, porte-parole de la commission d’éthique, la justice interne de la Fifa, dans une mise au point. La Fifa a précisé que «conformément aux pratiques», toutes ses réunions officielles, «y compris celles du Conseil, sont enregistrées et archivées».
Même pas 100 jours et un contexte tendu
«C’était le cas de la réunion à Mexico», ajoute l’instance, précisant que «l’échange de mails se référait à la destruction d’une copie des enregistrements originaux stockés de façon non conforme sur un serveur local» et ne concernait «pas l’enregistrement officiel archivé». «Ce fichier existe et est conservé à la Fifa», ajoute la fédération internationale. Infantino n’a pas encore atteint la barre des 100 jours de mandat, mais le contexte est déjà tendu autour de lui.
Au lendemain du premier congrès qu’il présidait, à Mexico, Domenico Scala, président de la commission d’audit et de conformité de la Fifa, a démissionné. Ce personnage central des réformes engagées depuis les révélations des scandales à grandes échelles, fin mai 2015, dénonçait en claquant la porte la remise en cause de l’indépendance des organes d’enquêtes internes. En toute fin de ce 66e congrès, Infantino a fait adopter un amendement qui transfère au gouvernement de la Fifa le pouvoir de nommer ou de démettre les présidents de la commission d’éthique ou d’audit. Ce qui, pour Scala, «prive ces organes de leur indépendance» et «détruit l’un des acquis essentiels de la réforme».
« Ils ne vont pas rater Infantino »
Lors du même congrès, le Haut-Valaisan chauve, qui a vu le jour à un jet de pierre du village natal de Blatter, a également pris tout le monde de court, y compris au sein de la Fifa, en annonçant la nomination au poste de secrétaire général de la Sénégalaise Fatma Samba Diouf Samoura. À 54 ans, cette diplomate qui a passé 21 ans aux Nations Unies est certes une amie de l’ex-star du football Roger Milla mais n’a aucune expérience de la gestion d’une organisation sportive, ce que d’aucuns lui reprochent déjà, alors qu’elle ne prendra ses fonctions que le 15 juin.
«Il y a beaucoup de gens dans la nature qui ne vont pas rater Infantino», explique un ancien responsable de la Fifa, sous couvert d’anonymat. Une allusion à Scala mais aussi à Markus Kattner, ex-secrétaire général par intérim, licencié il y a deux semaines pour «des manquements» portant «sur des millions de dollars», selon une source proche de la Fifa. Il faut ajouter à cela les perquisitions récentes à l’UEFA alors que Infantino était cité dans les Panama Papers pour des contrats signés en 2006. Il était directeur du service juridique de l’Union européenne du foot et traitait des droits TV avec deux Argentins inculpés depuis par la justice américaine dans le scandale de corruption à la Fifa.
«Infantino est un tacticien mais pas un stratège», juge un autre ancien responsable. Quant à Blatter lui-même, il se veut prudent sur son successeur, comme il l’a dit à l’AFP: «Je ne veux pas juger encore Infantino, il faut lui laisser du temps».
Le Quotidien/AFP