Un commentateur qui se casse la voix, un fan qui loue un Boeing (à Luxair) pour aller en France, des audimats qui entrent en éruption : l’Islande ne vit plus que pour ses footballeurs, qui affronteront l’Angleterre lundi (21h) à Nice en 8e de finale de l’Euro.
Deuxième de son groupe, l’Islande s’est offert un choc alléchant contre l’Angleterre lundi à Nice. Mais comment s’y rendre quand les vols depuis Reykjavik sont pleins?
Gretar Sigfinnur Sigurdarson, qui n’est pas que fan de foot puisqu’il joue en D1 au KR Reykjavik, a vu les choses en grand : il a réservé un Boeing 737 de la compagnie Luxair. «J’ai loué un avion pour 180 passagers pour aller à Nice en France. Ce sera un aller-retour sur la journée. Nous partirons tôt le matin et reviendrons le soir, juste après le match» , a-t-il écrit crânement sur Facebook. Le billet est à 129 900 couronnes (près de 940 euros).
D’ordinaire, la télévision islandaise est plutôt relaxante. Mais quand mercredi Arnor Ingvi Traustason a poussé le ballon dans le but autrichien à la toute dernière minute, Gudmundur Benediktsson a hurlé au micro comme un âne. Sa joie a impressionné ou fait rire les internautes du monde entier, qui n’ont vu que cet instant, et pas le stress des 93 premières minutes de la rencontre.
«C’était un de ces moments où d’une certaine manière on quitte son corps. Tous ceux qui me connaissent savent que ce n’était pas tout à fait moi, le moi ordinaire. Je me considère comme un homme assez calme» , raconte-t-il. En Islande, la nature peut se déchaîner, entre tempêtes, éruptions volcaniques ou vapeurs de soufre. Mais généralement les 330 000 habitants sont flegmatiques, voire taiseux. Sauf là, où ils ont abandonné toute mesure, et presque tout intérêt pour le reste: depuis que l’équipe islandaise a accroché le match nul (1-1) contre le Portugal, on ne parle plus que des exploits de l’équipe nationale.
À moins d’aller se percher sur un glacier ou de s’isoler dans une hutte au milieu des moutons, impossible d’y échapper. «Ça m’a rendu tellement fier d’être Islandais» , explique Halldor Jonsson, informaticien venu voir Islande-Autriche sur un écran géant à Reykjavik. «On a démontré qu’on avait pleinement mérité le droit d’être à l’Euro» , renchérit Anna Helgadottir, assistante de direction.
99,8 % d’audience
Le match historique au Stade de France a été vu à un moment ou à un autre par près de deux tiers des Islandais (68,5 %), et dans son intégralité par plus de la moitié d’entre eux (54,6 %) sur leur téléviseur, détaille le détenteur des droits, l’opérateur télécoms Siminn. Et c’est sans compter ceux qui étaient dans un bar ou sur une place, ni bien sûr, les milliers d’Islandais qui sont en France, environ 10 000 d’entre eux, soit une véritable saignée démographique à l’échelle de ce petit pays. Part d’audience : 99,8 %. On ignore qui sont ces 0,2 % qui regardaient autre chose.
Si on cherche un signe parmi d’autres que le pays s’est figé, depuis qu’on surveille l’utilisation des cartes bancaires en Islande elles n’avaient jamais aussi peu servi que durant la rencontre, d’après Valitor, qui agrège les données de Visa et MasterCard.
L’ambassade d’Islande à Paris a dû faire venir du personnel de Genève et Bruxelles pour gérer les demandes de vote à distance à l’élection présidentielle de samedi.
Car oui, au fait, le pays élit son chef d’État. « Complètement éclipsé par l’Euro-2016… Mauvais timing les gars » , ironisait sur Facebook Bo Halldorsson, l’un des chanteurs les plus connus du pays.
La télévision suédoise a carrément demandé au sélectionneur Lars Lagerbäck s’il voulait être président. Il a répondu que non. Il est suédois et ne parle pas (encore) islandais.
Le Quotidien