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Bygmalion : Jérôme Lavrilleux enfonce Nicolas Sarkozy


Jérôme Lavrilleux, accuse l'ex-chef d'Etat de "se défausser" et de ne pas "assumer" ses responsabilités, dans un entretien à paraître jeudi dans le magazine L'Obs. (photo AFP)

Jérôme Lavrilleux, l’ex-directeur adjoint de campagne de Nicolas Sarkozy livre sa vérité sur les dérapages financiers. Pour lui, l’ex-président savait. Il raconte aussi avoir été menacé : « Il m’arrive d’avoir peur ».

Un acteur-clé de l’affaire Bygmalion de fausses factures présumées lors de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2012, Jérôme Lavrilleux, accuse l’ex-chef d’Etat de « se défausser » et de ne pas « assumer » ses responsabilités, dans un entretien à paraître jeudi dans le magazine L’Obs.

« Je vais vous dire quelque chose que je n’ai jamais dit, et dont j’ai la certitude, conforté par la lecture du dossier aujourd’hui: les comptes de campagne de Nicolas Sarkozy en 2012 ont dérapé, et pas seulement le budget consacré aux meetings. Il ne faudrait plus appeler cette affaire Bygmalion, mais celle des comptes de campagne de Nicolas Sarkozy », a affirmé à l’hebdomadaire l’ex-directeur de cabinet du patron du parti UMP d’alors, Jean-François Copé.

L’affaire Bygmalion tient son nom de la société chargée d’organiser les meetings de l’ancien président français de droite lors de la campagne pour sa réelection, perdue en 2012 face au socialiste François Hollande.

« Les comptes ont débordé de tous les côtés. Il n’y a que Nicolas Sarkozy pour dire dans sa déposition que cette affaire ne concerne pas sa campagne… C’est un système de défense voué à un échec total. Il adopte le même dans toutes les affaires où il est entendu : c’est pas moi, c’est l’autre. Dans Bygmalion, il dit c’est pas moi, c’est Copé. Il se défausse, il vit dans un monde irréel et ne sait pas assumer. Les grands chefs sont pourtant ceux qui assument. L’ingratitude est la marque des faibles », assène M. Lavrilleux, aujourd’hui député européen et inculpé dans cette affaire.

« Nicolas Sarkozy ment », accuse-t-il encore en réponse aux affirmations de l’ancien chef de l’Etat pour qui Lavrilleux était bel et bien au courant de l’état financier de sa campagne présidentielle.

Lors de son audition début septembre par la police, Nicolas Sarkozy a reconnu l’existence d’un système de fausses factures mais à d’autres fins, entre l’UMP alors dirigée par Jean-François Copé et Bygmalion, société dirigée par des proches de ce dernier. Nicolas Sarkozy, qui ambitionne de reconquérir la présidence française en 2017, a toujours démenti avoir été au courant des malversations ayant entouré ses comptes de campagne 2012.

Jérôme Lavrilleux avait contribué au printemps 2014 à révéler un système frauduleux ayant touché les comptes de campagne de Nicolas Sarkozy. A l’Obs, il confie qu’il lui arrive « d’avoir peur ». « J’ai dit à mes proches que si un jour j’avais un accident de voiture, il faudrait faire une expertise. C’était de l’humour noir… quoique », lâche-t-il.

Les enquêteurs ont la conviction que des fausses factures ont permis d’imputer à l’UMP environ 18,5 millions d’euros de dépenses de meetings qui auraient dû figurer dans le budget de campagne du candidat.

AFP / S.A.

L’affrontement Sarkozy/Copé

Jérôme Lavrilleux dernier assure, sans toutefois étayer son accusation, qu’au dépassement de 18,5 millions d’euros des frais de campagne de M. Sarkozy, imputés à l’UMP pour dissimuler une explosion du plafond légal des dépenses (22,5 millions d’euros), il faudrait ajouter la somme de 10 millions d’euros. L’entourage du président du parti Les Républicains affirme « attendre que la justice fasse son travail sereinement. On n’accorde aucune importance à des déclarations successivement contradictoires sans fondement » ajoute-t-on, en rappelant que le parti s’est porté partie civile dans cette affaire.

« C’est une affaire qui concerne la société Bygmalion. Tous ceux qui sont cités sont liés ou travaillent dans cette société », a martelé Brice Hortefeux, ancien ministre proche de M. Sarkozy, sur France Info.

Il est loin le temps, en octobre 2012, où M. Sarkozy remettait la légion d’honneur à M. Lavrilleux. Derrière ces rebondissements, se profile la guerre entre deux probables futurs candidats à la primaire pour 2017, l’actuel et l’ex-président du parti de droite, M. Lavrilleux étant demeuré proche de son ancien patron, qu’il voit « une ou deux fois par mois » pour « une conversation amicale ».

Ses déclarations arrivent d’ailleurs cinq semaines après l’audition libre, le 4 septembre, par la police de M. Sarkozy, au cours de laquelle ce dernier a évoqué l’existence d’un système de fausses factures mais à d’autres fins, entre l’UMP alors dirigée par M. Copé et Bygmalion, société dirigée par ses proches. Des accusations qui ont rendu furieux le camp Copé et fortement tendu les relations entre les deux hommes ces dernières semaines. L’ex-UMP a été rebaptisée Les Républicains par M. Sarkozy désireux de remettre de l’ordre dans un mouvement durement affecté par les luttes intestines de fin 2012 entre copéistes et fillonistes et aussi, selon certains, pour tenter de « faire oublier » son lien avec l’affaire Bygmalion.

Depuis, l’ex-chef de l’Etat ne rate pas une occasion de rappeler à quel point la guerre Copé/Fillon avait affaibli le parti et l’ambiance est toujours très tendue entre les deux hommes à chaque bureau politique, comme en témoignent des participants. Dernier incident en date: l’affaire Morano. Jean-François Copé fait partie des trois membres du bureau politique qui se sont abstenus lors du vote sur le retrait de l’investiture de Nadine Morano pour les régionales en Meurthe-et-Moselle, après ses déclarations sur la France, « pays de race blanche ». En « cure médiatique » depuis sa démission forcée de la présidence du parti, M. Copé est néanmoins resté politiquement très actif, via son think-tank Génération France qui organise de nombreux séminaires. Mardi, il planchait sur le code du travail… deux semaines après la convention sur le même thème des républicains.